Un chrétien devrait toujours avoir à l’esprit la mise en garde de l’apôtre Paul :

Je m’étonne que si vite vous abandonniez Celui qui vous a appelés par la grâce du Christ, pour passer à un autre évangile – non qu’il y en ait deux ; il y a seulement des gens en train de jeter le trouble parmi vous et qui veulent bouleverser l’Évangile du Christ. Eh bien, si nous-mêmes, ou un ange venu du ciel vous annoncions un évangile différent de celui que nous vous avons prêché, qu’il soit anathème ! Nous l’avons déjà dit, et aujourd’hui je le répète : si quelqu’un vous annonce un évangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème ! (Galates 1, 6-9)

Le sous-titre de ce livre en témoigne : malgré le choc que pourront causer, de prime abord, les arguments peu familiers, ou les formulations audacieuses qu’elle contient, on n’y trouvera pas « un autre Évangile », mais un autre regard sur le Dessein de Dieu.

D’emblée je reconnais volontiers que la nature et la forme de mon propos dans ces pages ne faciliteront pas l’adhésion à son contenu. En effet, c’est sans mandat des autorités religieuses (mais pas en rupture avec elles !), et sur la base d’une intense expérience spirituelle personnelle [1], que j’y émets ma conviction que Dieu a rétabli le Peuple juif dans ses prérogatives messianiques originelles.

Me plaçant dans une perspective eschatologique, je confesse ma foi dans l’accomplissement d’oracles tels que ceux-ci :

Tb 14, 4-7 : […] Tout s’accomplira, tout se réalisera, de ce que les prophètes d’Israël, que Dieu a envoyés, ont annoncé […] rien ne sera retranché de leurs paroles. Tout arrivera en son temps. […] je sais et je crois, moi, que tout ce que Dieu a dit s’accomplira, cela sera, et il ne tombera pas un mot des prophéties. Nos frères qui habitent le pays d’Israël seront tous recensés et déportés loin de leur belle patrie. Tout le sol d’Israël sera un désert. Et Samarie et Jérusalem seront un désert. Et la Maison de Dieu sera, pour un temps, désolée et brûlée. Puis de nouveau, Dieu en aura pitié, et il les ramènera au pays d’Israël. Ils rebâtiront sa Maison, moins belle que la première, en attendant que les temps soient révolus. Mais alors, tous revenus de leur captivité, ils rebâtiront Jérusalem dans sa magnificence, et en elle la Maison de Dieu sera rebâtie, comme l’ont annoncé les prophètes d’Israël. Et tous les peuples de la terre entière se convertiront, et ils craindront Dieu en vérité. Tous, ils répudieront leurs faux dieux, qui les ont fait s’égarer dans l’erreur. Et ils béniront le Dieu des siècles dans la justice. Tous les Israélites, épargnés en ces jours-là, se souviendront de Dieu avec sincérité. Ils viendront se rassembler à Jérusalem, et désormais ils habiteront la terre d’Abraham en sécurité, et elle sera leur propriété. Et ceux-là se réjouiront, qui aiment Dieu en vérité. Et ceux-là disparaîtront de la terre, qui commettent le péché et l’injustice.

Za 1, 17 : Proclame encore: Ainsi parle le Seigneur Sabaot. Mes villes regorgeront encore de biens. Le Seigneur consolera encore Sion, et il fera encore choix de Jérusalem[2]

Tout en reconnaissant que la croyance en l’accomplissement des prophéties est au coeur de l’enseignement du Nouveau Testament et de celui de l’Église, et que nombre d’ouvrages de théologie en traitent, aussi abondamment que savamment, je déplore que, sauf exceptions réconfortantes, un grand nombre de spécialistes considèrent comme « littéraliste », voire « fondamentaliste », toute prise au sérieux des promesses et oracles qui annoncent le rassemblement progressif du Peuple juif sur sa terre (cf. Jérémie 3, 14), puis son rétablissement glorieux, tels que les a prophétisés, entre autres, le prophète Isaïe (chapitres 40 à 54).

Me fiant à l’assurance de S. Paul, que « Dieu ne permettra pas que nous soyons tentés au-delà de nos forces » (cf. 1 Co 10, 13), et m’efforçant, à son exemple et à celui de Pierre, d’avoir une « bonne conscience » (cf. He 13, 18 ; 1 P 3, 16), je crois de mon devoir d’obéir à son dictamen. Et c’est le suivant : Celui qui a dit, par Isaïe : « …la parole qui sort de ma bouche, ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j’ai voulu et réalisé l’objet de sa mission » (Is 55, 11), saura bien mener Son dessein jusqu’à son aboutissement ultime, auquel s’opposent déjà et s’opposeront plus violemment encore, les nations rebelles, à « l’heure de l’épreuve qui va fondre sur le monde entier pour éprouver les habitants de la terre » (Ap 3, 10). Jusqu’à ce que Dieu intervienne pour sauver Son peuple, comme il est écrit :

Ha 3, 13 : Tu t’es mis en campagne pour sauver ton peuple, pour sauver tes oints, tu as abattu la maison de l’impie, mis à nu le fondement jusqu’au rocher.

Je conviens toutefois qu’il peut sembler téméraire de tenter de « discerner les signes des temps » (Mt 16, 3) du refus qu’opposeront les peuples, et parmi eux, hélas, nombre de chrétiens, à ce dévoilement inattendu d’un Dessein de Dieu qu’ils n’avaient pas anticipé, à savoir, « l’apocatastase) de tout ce que Dieu a énoncé par la bouche de ses saints prophètes de toujours » (Ac 3, 21).

Me fondant sur l’affirmation surprenante de S. Paul qui conclut sa mise en garde prophétique en ces termes : « Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire à tous miséricorde » (Rm 11, 32), je crois de mon devoir d’exhorter les Chrétiens à ne pas « trébucher » à leur tour (cf. Rm 11, 11), non seulement en refusant de croire que Dieu « a rétabli Son peuple » [3] , comme il est écrit :

Ps 14, 2-7 : Des cieux Le Seigneur se penche sur les fils d’Adam, pour voir s’il en est un de sensé, un qui cherche Dieu. Ne savent-ils, tous les malfaisants? Ils mangent mon peuple, voilà le pain qu’ils mangent, ils n’invoquent pas Le Seigneur. Là, ils seront frappés d’effroi sans cause d’effroi, car Dieu est pour la race du juste : vous bafouez le dessein du malheureux, mais Le Seigneur est son abri. Qui donnera de Sion le salut d’Israël? Lorsque Le Seigneur rétablira son peuple, allégresse à Jacob et joie pour Israël!

mais en s’alliant à ceux qui se liguent contre son peuple, comme le prophétise mystérieusement ce psaume:

Ps 2, 1-2 : Pourquoi ce tumulte parmi les nations, et ces vains [projets] chez les peuples ? Des rois de la terre se dressent, et des princes conspirent ensemble contre Le Seigneur et contre son Oint.

Je suis loin d’être le premier et le seul à pratiquer ce type de lecture eschatologique des prophéties. Tant la rumination ecclésiale multiséculaire des Écritures, que la méditation des pieux fidèles, attestent que cette perspective n’a jamais été absente de la foi chrétienne. Toutefois, à ma connaissance, il ne s’est pas encore dégagé une doctrine claire de la masse considérable des textes officiels et privés qui en ont traité, au fil des siècles. Force est de reconnaître, sans esprit de polémique, que le fidèle a bien du mal à se forger une opinion sur la base de ce matériau littéraire spirituel foisonnant et parfois contradictoire, dans lequel la subjectivité le piétisme, voire une spéculation pseudo prophétique débridée, prennent souvent le pas sur la rigueur théologique. Et pour rendre les choses plus difficiles encore, la doctrine catholique officielle concernant l’avènement du Royaume dans les derniers temps – telle du moins qu’elle s’exprime dans le Catéchisme de l’Église Catholique [4], est passablement déficiente [5], au point que ses insuffisances doctrinales et théologiques risquent d’être cause que, le moment de l’épreuve venu, de nombreux fidèles seront incapables de discerner les « signes des temps », en général (Mt 16, 3), et ceux de « ce temps-ci », en particulier (Lc 12, 56).

En ce qui me concerne, j’ai la conviction que les événements actuels, qui ont pour théâtre et épicentre la terre d’Israël et Jérusalem – que des millions de juifs revendiquent comme leur ancienne-nouvelle patrie et capitale, et sont pour cela en butte à une haine globale et meurtrière croissante –, constituent des signes des temps qui nous invitent à une radicale metanoia.

C’est volontairement, il convient de le noter, que le présent exposé de ma démarche théologique et spirituelle affecte un caractère extrêmement subjectif. En effet, j’y suis impliqué à titre personnel en raison du fait qu’il s’agit du développement d’une illumination intérieure que je crois surnaturelle (ressortissant au domaine des révélations privées [6]), dont j’ai bénéficié il y a près d’un demi-siècle et qui a changé ma vie. En particulier, elle m’a amené à relire le Dessein de Dieu, tel que me l’a transmis mon éducation chrétienne, au prisme du rôle central qu’y joue le peuple juif.

Face au corpus impressionnant de la doctrine chrétienne de la Révélation et du Salut, sur laquelle je m’efforce de projeter une lumière – dérangeante parce qu’inusitée, voire insolite –, je me suis vite trouvé, toutes proportions gardées, dans la position du chercheur qui, sans déprécier les acquis théoriques et pratiques de la communauté scientifique à laquelle il appartient, et en faisant son profit de ce qu’ils ont de fondamental, voire de séminal, en discerne cependant les insuffisances et propose une vision alternative de la problématique, que dédaignent les théoriciens du système en place, le plus souvent au nom de l’argument d’autorité.

Faute d’être en mesure de démontrer mes conceptions dans le cadre existant du savoir théologique, j’ai dû recourir, mutatis mutandis, à ce que les théoriciens de la mécanique quantique appellent « expérience de pensée » [7], pour modéliser théologiquement l’image conceptuelle du Dessein divin, tel qu’elle se révélait à ma conscience, à la lumière obscure de l’intellection contemplative que j’avais désormais de ce mystère.

Pour faire œuvre spirituellement constructive et si possible ‘orthodoxe’, il m’a fallu étudier la Révélation, dans sa double déclinaison, juive et chrétienne, et surtout vérifier sans cesse la conformité de ma pensée avec le dépôt [8] transmis et interprété par la Tradition. Ce que je n’ai cessé de faire au fil des longues années écoulées, tout en gardant mon regard intérieur fixé sur ce qu’il m’avait été donné de contempler, et qui me paraissait incommunicable. Il m’a fallu plus de cinq décennies pour comprendre le sens et la portée de ces expériences, que je suis bien obligé de qualifier de mystiques, ainsi que leur lien intime avec le dessein de Dieu sur l’humanité, en général, et sur le peuple de Dieu – dans ses composantes juive et chrétienne –, en particulier.

C’est cette double contrainte, théologique et mystique, qui confère à ma narration ce caractère syncrétiste [9] que d’aucuns jugent – et je comprends leur réaction ! – insupportablement subjectif, voire narcissique. En réalité, il est la conséquence de ma décision – relativement récente – de m’affranchir définitivement de mes craintes et inhibitions, dont j’ai fini par discerner qu’elles procédaient davantage de ma peur du ridicule que de la crainte de scandaliser [10]. Cette dernière, en effet, a longtemps constitué pour moi un alibi inconscient qui me dispensait d’avouer clairement et sans détours l’origine surnaturelle de ma perception de la réalisation plénière du Dessein éternel de Dieu, qui fait tellement partie de mon existence et de ma foi, qu’il m’est impossible de dissocier l’une de l’autre [11].

Dans les chapitres qui suivent, j’exposerai les grandes lignes de ce qui, au fil des années, est devenu l’œuvre de ma vie, à savoir : avertir mes coreligionnaires de se préparer à la venue du Royaume, « comme un voleur » [12], et les inviter à se joindre, le moment venu, au peuple dont Dieu a fait le choix particulier [13], comme il est écrit :

Za 8, 23 : Ainsi parle Le Seigneur Sabaot. En ces jours-là, dix hommes de toutes les langues des nations saisiront un Juif par le pan de son vêtement en disant: « Nous voulons aller avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous. »

Je reviendrai sur ce point plus loin et tout particulièrement dans le dernier chapitre du présent écrit.


  1. Habituellement appelée « révélation privée » par les théologiens. À ce propos, voir, entre autres textes des autorités ecclésiastiques : Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Normes procédurales pour le discernement des apparitions ou révélations présumées. Assemblée des évêques catholiques du Québec, « Que penser des révélations dites " privées" ? ». Voir encore, entre autres : « Révélations privées et prudence » ; Don Guéranger, « Les révélations privées dans l’Église ». Etc.
  2. Cf. Ag 2, 6-7.
  3. La majorité des traductions en langues modernes comprennent l’expression hébraïque difficile « shuv shvut » (que je traduis par « a rétabli », comme signifiant « ramener la captivité », ou « changer la situation ». Il ne m’est pas possible, dans le cadre limité de cet article, d’expliquer les raisons de ma traduction ; je l’ai fait dans l’article suivant, dont le texte figure en ligne sur le site Academia.edu : « L’expression idiomatique biblique ‘shùv shvùt’ – Contribution au discernement scripturaire ».
  4. Le caractère normatif de cet ouvrage considérable et remarquable fait l’objet d’une recommandation officielle exprimée en ces termes par le pape Saint Jean-Paul II : « Je le reconnais comme un instrument valable et autorisé au service de la communion ecclésiale et comme une norme sûre pour l’enseignement de la foi ». Voir Constitution Apostolique Fidei Depositum, pour la publication du Catéchisme de l’Église Catholique rédigé à la suite du Deuxième Concile Œcuménique du Vatican, IV ; texte en ligne sur le site du Vatican.
  5. Voir en particulier les paragraphes 673 à 677. Il est particulièrement regrettable qu’il ne soit fait mention, dans ces passages, que d’un « pseudo-messianisme où l’homme se glorifie lui-même à la place de Dieu et de son Messie venu dans la chair » (§ 675). En fait, il a existé dans l’Église ancienne une croyance – assez largement répandue chez des Pères des tout premiers siècles et considérée par certains d’entre eux comme seule conforme à la vérité -, en l’avènement du Royaume de Dieu en gloire sur la terre. Dénommée par les théologiens « millénarisme mitigé », et réprouvée par le Catéchisme de l’Église Catholique (§ 675), elle avait pourtant fait l’objet d’une élaboration doctrinale approfondie, restée classique, par un Père de l’Église aussi vénérable et orthodoxe qu’Irénée de Lyon (IIe s.), et, malgré les affirmations, aussi péremptoires que non démontrées, de certains spécialistes, elle n’a jamais été réputée officiellement hérétique. Voir mes études : « La croyance en un Règne du Messie sur la terre : patrimoine commun aux Juifs et aux Chrétiens ou hérésie millénariste? » ; « Catéchisme de l'Église Catholique et avènement du Royaume en gloire » ; « La non-réception magistérielle de la croyance à l’instauration du Royaume de Dieu en gloire ‘sur la terre’ » ; « Le 'millénarisme' d'Irénée a-t-il été condamné par le Catéchisme de l'Église catholique? » ; etc.
  6. J’ai précisé plus haut (note 2) ce qu’il faut entendre par ‘révélation privée’.
  7. Je partage la conception de Daniel Smith, auteur de Comment penser comme Einstein, qui écrit : « Einstein est sans doute le plus grand représentant de l’expérience de pensée (en allemand, Gedankenexperiment) ou image mentale, de l’histoire… », voir le pdf en ligne.
  8. Cf. 1 Tm 6, 20 et 2 Tm 1, 14.
  9. C’est par métaphore, on l’aura compris, que j’utilise ici le terme « syncrétisme », dont les acceptions sont plus variées et nuancées qu’on ne se l’imagine généralement ; voir l’article que lui consacre le Dictionnaire électronique Ortolang.
  10. Sur la base de Mt 18, 6 (et parall.) : « Mais si quelqu'un venait à scandaliser l'un de ces petits qui croient en moi, il serait préférable pour lui de se voir suspendre autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et d'être englouti en pleine mer. »
  11. Peut-être est-ce là le sens de la locution mystérieuse que je reçus lors de ma dernière vision et qui m’a toujours laissé perplexe : « Regarde-toi et tu comprendras ». Voir Confession d’un fol en Dieu, éditions Docteur angélique, 2012, « Cinquième et dernière visitation… », p. 68 et s. de l’édition imprimée, et p. 50 et s. de la version pdf en ligne sur le site Academia.edu.
  12. Voir mon livre, « La pierre rejetée par les bâtisseurs… ». L’"intrication prophétique" des Écritures, éditions Tsofim, 2013. Ch. 31. « Pour "que le Jour du Seigneur ne nous surprenne pas comme un voleur" », pdf en ligne sur le site Academia.edu, p. 303 et s.
  13. Sur cette expression, voir mon étude : « ‘AM SEGULAH, De l'«économie» particulière au peuple juif dans le dessein de salut de Dieu ».

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Cette oeuvre (Salut universel et particularisme d'Israël. Le rôle médiateur du Judaïsme Messianique de Menahem R. Macina) n’a aucune restriction de droit d’auteur connue.

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