Celles et ceux qui sont familiers de mes écrits [1] le savent : au fil des années, je n’ai cessé d’ « insister, à temps et à contretemps » (cf. Tm 4, 2), sur l’influence capitale qu’a exercée, depuis près d’un demi-siècle, sur ma spiritualité et ma réflexion théologique, l’affirmation de l’apôtre Pierre concernant Jésus, qu’il présente comme « le Messie, que le ciel doit garder jusqu’aux temps de l’apocatastase de tout ce que Dieu a énoncé [2] par la bouche de ses saints prophètes d’autrefois » (Ac 3, 21).

Même si cet aveu doit conforter l’opinion de ceux qui me reprochent de contribuer moi-même au discrédit de ce qu’il peut y avoir de positif et d’utile dans mes recherches, en y mêlant ce qu’ils estiment être des considérations subjectives issues de mes expériences spirituelles personnelles, je dois à la vérité de préciser que ce verset s’est imposé à mon esprit avec une évidence aveuglante, lors d’une locution intérieure, qui consistait en cinq mots : « Dieu a rétabli Son peuple ». C’était la réponse au cri qui avait jailli de mon âme, quelques instants auparavant, après la énième lecture que je venais de faire de Rm 11, 2 : « Dieu n’a pas rejeté son peuple que d’avance il a discerné » [3]. Alors, la conviction du rétablissement, déjà réalisé, du peuple juif s’était imposée à ma conscience et à mon intelligence. Conscient qu’il s’agissait là d’une communication qui dépassait largement ma personne, j’en avais référé aux rares clercs et théologiens qui consentaient, non sans réticence, à m’écouter ou à me lire. Ils n’avaient formulé ni encouragement ni condamnation, se contentant de formules évasives. Tout en comprenant leur embarras, je regrettais que la dérobade fût la règle, et le courage, l’exception. D’autant qu’après des mois de patience, quand j’obtenais enfin « audience » d’un responsable ecclésial plus élevé dans la hiérarchie, c’était pour m’entendre recommander de m’en tenir à l’enseignement de l’Église. Or, c’est justement là le problème : il n’y a pas, à ma connaissance, d’enseignement clair de l’Église concernant cette problématique.

Je n’ai jamais pu obtenir d’un responsable ecclésial, quels que fussent son rang et sa fonction, un énoncé, si bref soit-il, assorti de références doctrinales et/ou théologiques indiscutables, corroborant, nuançant, ou infirmant ce qui m’avait été dit, de manière récurrente, par des ecclésiastiques de rang inférieur (qui affirmaient en avoir référé à l’échelon supérieur), et dont je résume ici le propos :

Les juifs n’ayant pas reconnu le Christ de Dieu venu dans la chair en la personne de Jésus, Dieu s’est constitué un « nouveau peuple » […] l’Église ; et les juifs doivent, pour être agréables à Dieu, voire pour être sauvés, entrer dans cette Église par la foi au Christ [4].

Incapable, en conscience, de souscrire à cette vision des choses, et n’ayant pu – à la différence de l’apôtre Paul et malgré tous mes efforts des décennies écoulées –, « exposer aux notables la Bonne Nouvelle que je prêche, de peur de courir ou d’avoir couru pour rien » (cf. Ga 2, 2), je me suis finalement résolu à en rendre publique la teneur, d’abord de manière succincte, dans mon premier livre [5], paru 47 ans après la locution évoquée plus haut [6], et plus explicitement depuis, au fil de mes publications successives [7].


A. Importance théologique d’Ac 3, 21 pour la consommation du dessein de Dieu

Pour mieux faire comprendre au lecteur pourquoi ce verset des Actes est central, non seulement pour mon parcours spirituel personnel, mais aussi pour la doctrine chrétienne, et tout spécialement celle qui a trait à la fin des temps et à l’eschatologie, je reprends, ci-après, en l’adaptant à la problématique de la présente étude, ce que j’écrivais à ce propos dans un de mes écrits antérieurs [8].

Si l’on comprend bien le sens d’Ac 3, 21, et surtout celui du terme grec « apokatastasis » (que j’ai transcrit plutôt que traduit, plus haut, par « apocatastase » = restauration/mise ou remise en vigueur) qui en est le point archimédique [9], il s’agit d’une prédiction mystérieuse de l’avènement des temps messianiques, au cours desquels tout ce qu’énoncent et préfigurent les Écritures, en général, et les oracles des prophètes, en particulier, prendra corps. C’est sans doute à cet accomplissement plénier que font allusion les deux textes suivants de l’Évangile :

Mt 5, 17 : N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir.

Jn 16, 12-13 : J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera dans la vérité tout entière, car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu’il entendra, il le dira et il vous dévoilera les choses à venir.

B. Les prophéties christologiques

Il est surprenant de constater la farouche opposition que suscite, chez nombre de chrétiens, la perspective – pourtant dûment scripturaire (cf. Ap 20, 6) – d’un règne millénaire du Christ sur la terre, qui fut celle de plusieurs Pères des tout premiers siècles de l’Église. Quant aux biblistes, exégètes et théologiens contemporains, c’est généralement au nom d’une conception traditionnelle de la christologie, que nombre d’entre eux estiment suspecte, voire hétérodoxe, la croyance en la réalisation littérale de toutes les prophéties. Pour les détracteurs d’un accomplissement eschatologique de toutes les Écritures jusqu’au « plus petit point sur l’i » – ainsi que le garantissait Jésus lui-même (cf. Mt 5, 18) -, tout se passe comme si les prophéties, dans leur totalité, ne concernaient que le Christ et n’avaient d’autre rôle que celui d’annoncer sa venue, sa prédication et ses miracles, sa mort ignominieuse, sa résurrection, et le salut universel opéré par lui.

Pourtant il semble évident que l’avènement de Jésus, sa mission et sa glorification ne sauraient constituer l’accomplissement de prophéties que le Nouveau Testament lui-même présente comme devant se réaliser dans l’avenir. Les illustrations de cette affirmation sont trop nombreuses pour qu’il soit possible de les évoquer toutes ici. En voici quelques-unes.

– Pour prédire les tribulations de la fin des temps, l’évangile selon Matthieu évoque les prophéties eschatologiques contenues dans le livre de Daniel (cf. Dn 9, 27 ; 11, 31 ; 12, 11) :

Lors donc que vous verrez l’idole du dévastateur, dont a parlé le prophète Daniel, installée dans le saint lieu (que le lecteur comprenne!)… (Mt 24, 15).

– Quant aux signes cosmiques du temps de la fin qu’annonce le même évangile en ces termes :

aussitôt après la tribulation de ces jours-là, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées… (Mt 24, 29 = Mc 13, 24),

il les emprunte au Livre d’Isaïe, où l’on peut lire :

Car au ciel, les étoiles et Orion ne diffuseront plus leur lumière. Le soleil s’est obscurci dès son lever, la lune ne fait plus rayonner sa lumière. (Is 13,10).

– Enfin, l’affirmation de Jésus, que rapporte Luc :

…ce seront des jours de vengeance, où devra s’accomplir tout ce qui a été écrit… (Lc 21, 22),

se réfère explicitement à l’oracle suivant d’Osée:

Ils sont venus, les jours de vengeance, ils sont venus, les jours de la rétribution… (Os 9, 7).

Ces textes témoignent donc que le capital des nombreuses prophéties non encore accomplies ne s’épuise pas en Jésus.

Bref, stricto sensu, les prophéties proprement christologiques sont celles dont le Nouveau Testament voit l’accomplissement en Jésus seul. En témoignent, entre autres, ces passages de Luc et de Jean :

Car, je vous le dis, il faut que s’accomplisse en moi ceci qui est écrit : Il a été compté parmi les scélérats (Is 53, 12). Aussi bien, ce qui me concerne (to peri emou) touche à sa fin. (Lc 22, 37).

Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concerne (ta peri heautou). (Lc 24, 27).

Puis il leur dit: « Telles sont bien les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous: il faut que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi (peri emou) dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. » (Lc 24, 44).

Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, car il a écrit de moi (peri emou). (Jn 5, 46).

Alors j’ai dit: Voici, je viens, car c’est de moi (peri emou) qu’il est écrit dans le rouleau du livre, pour faire, ô Dieu, ta volonté. (He 10, 7).

Il y a donc, dans les Écritures, en général, et dans le Nouveau Testament, en particulier, des passages scripturaires qui ont trait au seul Christ Jésus, et d’autres (l’écrasante majorité) qui, à l’évidence, ne le « concernent » pas exclusivement, voire pas du tout. Aussi, toute tentative d’en créditer le Christ par voie d’exégèse, si pieuses et bien intentionnées qu’en soient les motivations, risque de n’aboutir, en définitive, qu’à fermer aux chrétiens toute possibilité de discerner l’avènement des « temps de l’apocatastase de tout ce que Dieu a dit par la bouche de ses saints prophètes de toujours » (Ac 3, 21).

D’ailleurs, à en croire les Évangiles, Jésus lui-même s’est inscrit en faux contre ce christocentrisme scripturaire réducteur ; et entre autres, dans ce passage, hélas presque unanimement considéré comme visant les seules pratiques rituelles de la Loi mosaïque, alors qu’il inclut toute l’Écriture – dont la Loi et les Prophètes:

N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Car je vous le dis, en vérité : avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l’i, ne passera de la Loi, que tout n’advienne. (Mt 5, 18 = Lc 16,17).

Toutefois, il existe une autre catégorie de prophéties, considérées comme christologiques alors que, dans leur sens littéral et premier, elles concernent la « personnalité collective » du peuple juif, au sens sociologique), et sa « personnalité corporative », au sens théologique [10]. J’en traite dans la section qui suit, dont le titre souligne en quoi elles diffèrent des prophéties christologiques.


C. Les prophéties messianiques et le mystère de la personnalité corporative des juifs

Contrairement aux textes qui concernent exclusivement Jésus – dont j’ai donné quelques exemples plus haut –, ceux que j’appelle ici « prophéties messianiques » concernent plus ou moins explicitement la « personnalité corporative » des juifs, à savoir, le peuple d’Israël.

La difficulté que constitue l’interprétation des textes à portée messianique et eschatologique de l’Écriture tient au fait qu’une vénérable et puissante tradition exégétique chrétienne, qui remonte aux Pères de l’Église des premiers siècles, les a en quelque sorte monopolisés pour les appliquer exclusivement au Christ, à l’Église et à ses fidèles, là même où il est évident qu’ils concernent – également sinon exclusivement – le peuple juif. Pour démarquer ce processus, je propose ici de l’intituler, par analogie avec la théologie de la substitution, « exégèse substitutionniste ».

La confusion s’accroît encore davantage quand, conformément à l’une des particularités littéraires de l’Écriture : le passage, fréquent, du singulier au pluriel, ou d’un personnage unique à une collectivité – tel qu’illustré par ce que les biblistes nomment les « Chants du Serviteur », dans le Livre d’Isaïe – induit, chez les chrétiens, la certitude que ce « Serviteur » est Jésus souffrant [11], tandis que la tradition rabbinique voit en lui le type du peuple juif persécuté, comme l’exprime le philosophe et poète juif médiéval Juda Halevi, dans son Kuzari, Livre II [12]:

Nous sommes semblables à l’homme accablé de souffrances d’Isaïe, dans le chapitre Voici que mon Serviteur réussira [Is 52, 13 à 53, 12]. Le prophète veut dire que son physique est hideux, son aspect laid, semblable à des immondices dont la vision répugne aux hommes et devant lesquels ils se cachent la face. Méprisé et rebut de l’humanité, homme de douleurs et familier de la maladie […] N’estime pas déraisonnable l’application à un peuple comme Israël du verset : Or c’était nos maladies qu’il supportait, nos souffrances qu’il endurait [Is 53, 4]. Les épreuves qui nous sont infligées ont pour effet de garder notre religion dans son intégrité, de maintenir purs les purs parmi nous et de rejeter loin de nous les scories. C’est grâce à notre pureté et notre intégrité que le divin se joint au monde.

Et à nouveau dans le livre IV du même ouvrage [13]:

Dieu a aussi un dessein secret nous concernant, pareil au dessein qu’il nourrit pour le grain. Celui-ci tombe à terre et se transforme ; en apparence, il se change en terre, en eau, en fumier ; l’observateur s’imagine qu’il n’en reste plus aucune trace visible. Or, en réalité, c’est lui qui transforme la terre et l’eau en leur donnant sa propre nature : graduellement, il métamorphose les éléments qu’il rend subtils et semblables à lui en quelque sorte [14] […] Il en est ainsi de la religion de Moïse. La forme du premier grain fait pousser sur l’arbre des fruits semblables à celui dont le grain a été extrait. Bien qu’extérieurement elles la repoussent, toutes les religions apparues après elle sont en réalité des transformations de cette religion. Elles ne font que frayer la voie et préparer le terrain pour le Messie, objet de nos espérances, qui est le fruit […] et dont elles toutes deviendront le fruit. Alors, elles le reconnaîtront et l’arbre deviendra un. À ce moment-là, elles exalteront la racine qu’elles vilipendaient, comme nous l’avons dit en expliquant le texte : Voici, mon serviteur prospérera… [cf. Is 52, 13 s.] .

Il est probable qu’en rédigeant ces lignes, Juda Halevi, avait présents à l’esprit des textes scripturaires tels que ceux-ci :

Jb 4, 7-9 : L’arbre conserve un espoir, une fois coupé, il peut renaître encore et ses rejetons continuent de pousser. Même avec des racines qui ont vieilli en terre et une souche qui périt dans le sol, dès qu’il flaire l’eau, il bourgeonne et se fait une ramure comme un jeune plant.

Is 6-10-13 : Appesantis le coeur de ce peuple, rends-le dur d’oreille, englue-lui les yeux, de peur que ses yeux ne voient, que ses oreilles n’entendent, que son coeur ne comprenne, qu’il ne se convertisse et ne soit guéri. Et je dis: « Jusques à quand, Seigneur? » Il me répondit: « Jusqu’à ce que les villes soient détruites et dépeuplées, les maisons inhabitées; que le sol soit dévasté, désolé; que le Seigneur en chasse les gens, et qu’une grande détresse règne au milieu du pays. Et s’il en reste un dixième, de nouveau il sera dépouillé, comme le térébinthe et comme le chêne qui une fois émondés n’ont plus qu’une souche; leur souche est une semence sainte. »

Is 27, 6 : À l’avenir Jacob s’enracinera, Israël bourgeonnera et fleurira, la face du monde se couvrira de récolte.

2 R 19, 30-32 (= Is 37, 31-32): Le reste survivant de la maison de Juda produira de nouvelles racines en bas et des fruits en haut. Car de Jérusalem sortira un reste, et des réchappés, du mont Sion. L’amour jaloux du Seigneur Sabaot fera cela!

Ez 27, 24 : Et tous les arbres de la campagne sauront que c’est moi, Le Seigneur, qui abaisse l’arbre élevé et qui élève l’arbre abaissé, qui fait sécher l’arbre vert et fleurir l’arbre sec. Moi, Le Seigneur, j’ai dit et je fais.

Ez 37, 11-14 : Alors il me dit: Fils d’homme, ces ossements, c’est toute la maison d’Israël. Les voilà qui disent: « Nos os sont desséchés, notre espérance est détruite, c’en est fait de nous. » C’est pourquoi, prophétise. Tu leur diras: Ainsi parle le Seigneur Dieu. Voici que j’ouvre vos tombeaux ; je vais vous faire remonter de vos tombeaux, mon peuple, et je vous ramènerai sur le sol d’Israël. Vous saurez que je suis Le Seigneur, lorsque j’ouvrirai vos tombeaux et que je vous ferai remonter de vos tombeaux, mon peuple. Je mettrai mon esprit en vous et vous vivrez, et je vous installerai sur votre sol, et vous saurez que moi, Le Seigneur, j’ai parlé et je fais, oracle du Seigneur.

D. La notion d’ « intrication prophétique[15] des Écritures »[16]


Sens de l’épisode des prosélytes grecs qui voulaient voir Jésus

Parmi les nombreux passages d’interprétation difficile de l’évangile de Jean, se distingue le récit suivant sur lequel achoppent les commentateurs, outre que rares sont les prédicateurs qui en font le thème de leurs homélies. Je veux parler de la demande de rencontrer Jésus, émise par des non-juifs prosélytes :

Il y avait là quelques Grecs, de ceux qui montaient pour adorer pendant la fête. Ils s’avancèrent vers Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et ils lui firent cette demande : « Seigneur, nous voulons voir Jésus ». Philippe vient le dire à André ; André et Philippe viennent le dire à Jésus. Jésus leur répond : « Voici venue l’heure où va être glorifié le Fils de l’homme. En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd ; et qui hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle. Si quelqu’un me sert, qu’il me suive, et où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. Maintenant mon âme est troublée. Et que dire ? Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure. Père, glorifie ton nom ! ». Du ciel vint alors une voix : « Je l’ai glorifié et de nouveau je le glorifierai ». (Jn 12, 20-28).

Rien d’extraordinaire, à première vue, dans cet épisode. Des prosélytes grecs [17] attirés par la renommée de Jésus veulent s’entretenir avec lui. Mais, à l’examen, les choses s’avèrent moins simples qu’il n’y paraît. Premièrement, ces gens doivent passer par deux intermédiaires, dont l’un, Philippe, nous est présenté comme étant de Bethsaïde en Galilée [18], ce qui implique qu’il est habitué aux contacts avec les goyim, terme hébreu qui signifie « nations ». Deuxièmement, Jésus ne défère ni ne se dérobe à cette demande d’entrevue, mais il révèle mystérieusement à ses auditeurs qu’il y voit le signe prophétique de l’imminence de sa mort et de sa résurrection, et l’annonce du futur destin analogue du peuple juif, comme on va le voir ci-après.

Entrons plus avant dans les détails du récit. On y relate qu’après avoir entendu la supplique de ces Grecs, Philippe et André en font part à Jésus. Il faut garder en mémoire, à ce propos, que les juifs pratiquants n’ont pas de rapports avec les Samaritains, ni avec les goyim. Jésus n’hésitera pas à s’affranchir souverainement de cette limitation dans plusieurs cas ; mais, dans les deux principaux – l’épisode de la Samaritaine (Jn 4, 9 s.) et celui de la Cananéenne (Mt 15, 21-28) –, il soulignera fortement la différence entre juifs et goyim. À la Samaritaine, il rappellera que « le salut vient des Juifs » (Jn 4, 22) ; à la Cananéenne qui lui demandait un miracle, il dira crûment : « il ne convient pas de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens » (Mt 15, 26), où les « enfants » sont les juifs, et les goyim, les « chiens » [19]. Il précise même qu’il n’a « été envoyé qu’aux brebis perdues de la Maison d’Israël » (Mt 15, 24), ce qui ne laisse aucun doute sur l’entérinement par Jésus, malgré les exceptions évoquées, de l’appartenance spécifique du peuple juif à Dieu, en tant que Son bien propre (segulah) [20].

Nous ne saurons finalement jamais si Jésus a accepté de recevoir ces prosélytes, ou s’il a refusé. Car c’est bien là l’étrangeté de l’épisode : cet aspect du problème semble n’avoir pas du tout intéressé le narrateur. On verra que l’explication, ici donnée, de cette attitude de Jésus et de son sens caché, profond et sublime, rend ce point sans importance. De fait, la réaction de Jésus est sans aucun rapport apparent avec l’initiative ou la personnalité des visiteurs. Selon l’évangéliste, cette démarche déclenche chez Jésus une réaction, dont nous allons voir qu’elle est prophétique et eschatologique.

Que signifie donc cette geste ? Première hypothèse avancée par des spécialistes : l’Évangile a relaté un fait qu’il n’a pas compris et la tradition y a raccroché une de ces « catéchèses spirituelles » dont le Quatrième Évangile est prodigue. Mais c’est faire peu de cas de la cohérence du Nouveau Testament ainsi que de l’inspiration qui a guidé son style rédactionnel et le choix des épisodes relatés, outre que, pour un chrétien, c’est faire bon marché de l’inspiration divine des Écritures. Deuxième hypothèse : l’attitude de Jésus est prophétique, elle recèle un enseignement mystérieux, non encore découvert ou mis suffisamment en valeur, et à portée eschatologique.

En effet, Jésus est à la fois le focalisateur et le vecteur eschatologique de l’Écriture. Ses paroles et ses actes donnent corps [21] aux oracles et événements qu’elle relate et révèlent le sens ultime qu’ils recèlent. À ce titre, le passage suivant d’Isaïe, lu à l’aune de l’« intrication prophétique » [22], éclaire cette scène évangélique d’une lumière inattendue et surprenante, lui conférant une valeur eschatologique et messianique qui prend sa source dans l’eschatologie juive :

Je conclurai avec vous une alliance éternelle, faite des grâces garanties [23] à David. Voici que j’ai fait de lui [24] un témoin pour les peuples, un chef et un maître [25] pour les peuples. Voici que tu appelleras une nation que tu ne connais pas et des inconnus [26] accourront vers toi à cause du Seigneur ton Dieu et du Saint d’Israël qui t’aura glorifié. (Is 55, 3-5).

J’ai mis en italiques le concept commun à ce passage d’Isaïe et à celui de Jean : la glorification [27].

C’est, presque mot pour mot, situation pour situation, ce qui arrive à Jésus. Or, dans le texte d’Isaïe, c’est à tout le peuple juif qu’est faite cette prophétie. Ce que confirme Is 61, 8 s., où l’expression « Je conclurai avec vous une alliance éternelle », est suivie de :

Is 61, 9: […] leur race sera célèbre [28] parmi les nations et leur descendance parmi les peuples. Tous ceux qui les verront reconnaîtront qu’ils sont une race bénie du Seigneur.

Le sens de ces deux passages prophétiques est que, quand Dieu aura rétabli la royauté davidique (« les grâces garanties à David »), et « glorifié » son peuple, les goyim – « des inconnus » – « accourront vers » lui. Sachant, dans l’Esprit Saint, que ce qui va se produire en sa personne (sa mort et sa résurrection) préfigure, en germe, ce qui adviendra au peuple juif lors de sa rédemption par Dieu, Jésus l’énonce par avance, pour notre instruction :

Jn 12, 23-24, 27-28: Voici venue l’heure où le Fils de l’homme doit être glorifié. En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre [29] ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. […] Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure. Père, glorifie ton nom !

Et son Père lui-même appose son sceau sur cette prophétie, en faisant entendre une voix [30] qui proclame :

Jn 12, 28: Je l’ai glorifié et de nouveau je le glorifierai.

Que ce fait ait été relaté, lui aussi, pour notre instruction, témoigne ce que dit Jésus :

Jn 12, 30: Ce n’est pas pour moi qu’il y a eu cette voix, mais pour vous.

C’est exactement ce que dit Paul, en d’autres termes et dans un autre contexte :

Rm 15, 4: […] ce qui a été écrit dans le passé l’a été pour notre instruction, afin que par la constance et par la consolation des Écritures, nous ayons l’espérance.

Et encore :

1 Co 10, 11: Ces choses leur advenaient à titre de signe [litt., ‘type’], et ont été écrites pour notre avertissement, nous qui sommes parvenus à la fin des temps.

C’est donc pour l’instruction et l’avertissement de ceux qui croient en lui que Jésus énonce à haute voix la conscience qu’il a de la portée prophétique de l’événement, apparemment insignifiant, que constitue la visite de ces prosélytes. Rempli de l’Esprit Saint, il dévoile l’« intrication prophétique » [31] de ces textes scripturaires, nous invitant à voir, dans ces pieux goyim qui viennent à lui, attirés par sa renommée, et dans la « glorification » qui va être la sienne par sa mort et sa résurrection, la préfiguration prophétique de la marche future des nations « à la clarté » dont rayonnera, aux temps messianiques, un Israël illuminé par la gloire de Dieu, comme il est écrit :

Is 60, 1-3: Debout ! Resplendis ! Car voici ta lumière, et sur toi luit la gloire du Seigneur. Car voici que les ténèbres couvrent la terre et l’obscurité, les peuples, et sur toi brille Le Seigneur, et sa gloire sur toi apparaît. Les nations marcheront à ta lumière et les rois à l’éclat de ton resplendissement.

Nous savons, par d’autres passages scripturaires et par la tradition rabbinique, que la gloire future d’Israël sera précédée de grandes souffrances, suite à une autre venue, diabolique celle-là, de « nations coalisées contre Le Seigneur et contre son oint » (Ps 2, 2), qui constituera l’ultime tentative de destruction du Peuple messianique, avant sa glorification finale, sur intervention divine, gage et assurance pour ceux qui, croyant au choix divin dont Israël est l’objet en premier (cf. Rm 1, 16 ; 2, 10), accepteront de partager son sort.

Et à qui estimera hasardeuse cette analogie, on ne saurait trop conseiller de lire les versets 23-26 du chapitre 4 du Livre des Actes des Apôtres, où ce qui est arrivé à Jésus est interprété à la lumière de textes dont la portée eschatologique est indéniable, tel celui-ci :

Ac 4, 23, 26 : Une fois relâchés [les Apôtres] se rendirent auprès des leurs et rapportèrent tout ce que les grands prêtres et les anciens leur avaient dit. À ce récit, d’un seul élan, ils élevèrent la voix vers Dieu et dirent : « Maître, c’est toi qui as fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve ; c’est toi qui as dit par l’Esprit Saint et par la bouche de notre père David, ton serviteur: Pourquoi cette arrogance chez les nations, ces vains projets chez les peuples ? Les rois de la terre se sont mis en campagne et les magistrats se sont rassemblés de concert contre le Seigneur et contre son Oint. Oui vraiment, ils se sont rassemblés dans cette ville contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, Hérode et Ponce-Pilate avec les nations païennes et les peuples d’Israël, pour accomplir tout ce que, dans ta puissance et ta sagesse, tu avais déterminé par avance.

Sans être bibliste ou théologien, tout fidèle chrétien moyennement instruit de sa foi, sait que, si Hérode et Ponce-Pilate ont joué un rôle dans la condamnation et la mort du Christ, ce n’est pas le cas des nations païennes ni des peuples d’Israël. On peut, bien sûr, éluder la difficulté en invoquant la nécessité de comprendre certains passages de l’Écriture au « sens spirituel », voire allégorique [32]. Pourtant, la citation explicite des deux derniers versets du Psaume 2 – dont nul ne conteste la teneur eschatologique – rend clair que, pour l’apôtre Pierre et ses auditeurs, le drame qui venait de se jouer à Jérusalem avait précisément une dimension eschatologique, qui ne sera manifeste qu’à la fin des temps, ou plutôt, selon ma perception personnelle, « aux temps de l’apocatastase (= apokatastasis) de tout ce que Dieu a «énoncé par la bouche de ses saints prophètes de toujours » (Ac 3, 21).

Et plutôt que de voir, dans ce passage des Actes, une construction rédactionnelle visant à prouver la messianité de Jésus, comme le préconisent certains interprètes, il me semble plus conforme à l’analogie de la foi [33] d’y percevoir une intention divine expresse de révéler à l’Église et à ses fidèles le rôle « génétique [34]» spirituel de Jésus, que l’apôtre Paul désigne comme « l’aîné d’une multitude de frères » (Rm 8, 29), ainsi que l’intrication de la personnalité individuelle unique du Christ et de la personnalité corporative de Son peuple, dont les deux parties – le « tout Israël » (Rm 11, 26), constitué des juifs et des chrétiens qui resteront fidèles à Dieu jusqu’au bout [35] –, constituent l’antitype [36] des deux royaumes de l’ancien Israël, Juda et Israël, déjà devenus « uns en Lui » (cf. Ep 2, 14).

C’est faute de vocabulaire théologique adéquat que je nomme ce processus apocatastase, qui est plus une transcription qu’une traduction du terme grec apokatastasis, lequel ne figure qu’une seule fois dans le Nouveau Testament, en Ac 3, 21. J’ai relaté ailleurs [37] l’atmosphère spirituelle intense au cours de laquelle la certitude que la locution qui s’était comme imprimée dans mon esprit – « Dieu a rétabli Son peuple » – correspondait au verset 21 du chapitre 3 du Livre des Actes.

Or, neuf ans auparavant, au tout début de mon âge d’homme (printemps 1958), après que la lecture d’un livre sur la Shoah m’eut fait entrer dans le mystère de la haine mortelle dont le peuple juif avait été victime au fil des siècles, me dévastant l’âme d’une détresse incommensurable, « Dieu avait daigné révéler en moi Son » peuple [38], sans que je fusse conscient alors de l’immensité de la grâce qui m’était faite…. Par la suite, il m’en a pris longtemps pour admettre ce que criait en moi ma conscience, à savoir, que le rétablissement [39] du peuple juif était chose faite. Mais désormais je me sens pressé intérieurement d’avertir les Chrétiens de ne pas s’opposer aux desseins du Seigneur sur Son peuple, comme il est écrit:

Za 2, 8 : Car ainsi parle le Seigneur Sabaoth […] à propos des nations qui vous ont dépouillés: En vérité, celui qui vous touche m’atteint à la prunelle de l’œil ».

Et encore :

Rm 11, 20-21 : …Ne t’enorgueillis pas ; crains plutôt. Car si Dieu n’a pas épargné les branches naturelles, il ne t’épargnera pas davantage.

Qu’on me comprenne bien. Je ne partage pas du tout la conception – certes sincère, mais que je crois erronée – des chrétiens qui aiment le peuple juif et sont persuadés qu’il subira, en tant que peuple parvenu au stade ultime de son destin messianique, une passion analogue à celle du Christ. Si tentant que soit ce concordisme [40] avec une personnalité corporative [41] censée résoudre l’équation mystique du Serviteur souffrant, personnifié à la fois, de manière unique, par un Jésus parfait, et collectivement par un peuple juif racheté et purifié par Son sacrifice, il est battu en brèche par le fait que la Shoah a déjà conformé les Juifs à leur Rédempteur crucifié, et par plusieurs passages de l’Écriture, comme nous le verrons dans le prochain chapitre.


  1. Pour mémoire, la majeure partie de mes textes (livres, monographies et articles) sont en ligne dans la section que m’attribue le site Academia.edu.
  2. Ma traduction du passage mis en rouge diffère du tout au tout de celles qu’on en lit dans les bibles courantes. Je m’en suis expliqué à plusieurs reprises dans mes publications antérieures, et plus récemment dans ma brève étude intitulée « Vers une évaluation doctrinale de la notion d’Apocatastase-Restauration (Actes 3, 21) dans un contexte de fin des temps ». J’y attire l’attention sur le fait que le Vatican lui-même atteste tacitement de cette dualité de sens, en mettant en ligne sur son site Web deux versions divergentes de ce verset, cité au paragraphe 674 du Catéchisme de l’Église Catholique ; le texte français lit : « jusqu’au temps de la restauration universelle dont Dieu a parlé dans la bouche de ses saints prophètes… », tandis que le texte anglais lit : « jusqu’aux temps de l’établissement [ou instauration] de tout ce que Dieu a énoncé par la bouche de ses saints prophètes… (“until the time for establishing all that God spoke by the mouth of his holy prophets…”).
  3. J’ai relaté les circonstances et la teneur de cette expérience mystique dans mon livre Confession d’un fol en Dieu, op. cit., Deuxième visitation : « Dieu a rétabli son peuple », p. 35-41 de l’édition imprimée, et p. 22-27 du pdf de la version électronique en ligne sur le site Academia.edu.
  4. Il s’agit de la théologie de la substitution. Sans pouvoir entre dans les détails ici, qu’il soit clair que je suis au fait des progrès considérables accomplis par les dignitaires religieux chrétiens dans la reconnaissance pénitente du caractère pernicieux de ce courant de pensée multiséculaire et les efforts considérables consacrés à s’en émanciper.
  5. Chrétiens et juifs depuis Vatican II. État des lieux historique et théologique. Prospective eschatologique, éditions Docteur Angélique, Avignon, 2009, p. 35 ss. ; version pdf en ligne sur Academia.edu, p. 345 ss.
  6. Cf. ci-dessus, note 17.
  7. Voir en particulier, et entre autres, mon livre en ligne : « Dieu a rétabli Son Peuple. Témoigner devant l’Église que Dieu a restitué au Peuple juif son héritage messianique ».
  8. « Les Juifs se sont-ils endurcis ou ont-ils été endurcis par Dieu? Méditation d’un mystère », p. 23-25.
  9. Malheureusement, ce n’est pas la perception qu’en ont les rédacteurs du paragraphe 674 du Catéchisme de l’Église Catholique, qui englobent dans une même réprobation les tenants d’un millénarisme politique et les fidèles qui croient à un règne messianique du Christ sur la terre avec ses saints durant mille années. Voir mon étude : « La croyance en un Règne du Messie sur la terre : patrimoine commun aux Juifs et aux Chrétiens ou hérésie millénariste? ».
  10. Les deux théories ne sont pas identiques, mais elles présentent des analogies. Je n’ai pas compétence pour parler de la première, qui ressortit à la sociologie, et à propos de laquelle je renvoie à une étude qui est loin d’être la seule du genre, mais qui me semble éclairante : Jean Terrier, « Personnalité individuelle et personnalité collective selon Émile Durkheim et Georg Simmel », dans Sociologie et sociétés, vol. 44, n° 2, 2012, p. 235-259. Quant à la théorie théologique de la « Personnalité corporative », je la considère comme inscrite, en quelque sorte, dans l’ADN de la chrétienté primitive, sur la base de la révélation de ce mystère que fait à Paul le Christ Lui-même, sur le chemin de Damas : « "Qui es-tu, Seigneur?" demanda [Saul]. Et lui: "Je suis Jésus que tu persécutes". » (Ac 9, 5). Selon J. de Fraine, S.J. : Adam et son lignage. Paris-Bruges, Desclée De Brouwer, 1959, la personnalité corporative a « un aspect expansif : l'individu concret représente la communauté soit dans le temps, soit dans l'espace ; et un aspect unitif : le groupe s'incarne dans un individu. Dans cette perspective dialectique, l'auteur aborde alors l'étude de six figures dominant l'Ancien Testament : Adam, le Roi, les Prophètes, le Serviteur de Yahvé, le Fils de l'homme, le "Moi des psaumes". Puis il prolonge les lignes dans le Nouveau Testament, s'arrêtant au chapitre consacré au Corps de Christ. Cette notion prend un relief tout nouveau, car "Christ n'apparaît plus comme un homme purement individuel, mais comme une véritable personnalité corporative"… » (p. 224) (Texte repris d’une très brève recension bibliographique parue dans la Revue de Théologie et de Philosophie, n° 10, 1960.). Pour une étude savante de la notion dans le monde orthodoxe, voir Archimandrite Amphilochios Miltos, « La notion biblique de "personnalité corporative". De l’exégèse biblique à la théologie dogmatique ». Texte en ligne sur le site Academia.edu, p. 147, ss. ; et P. Kolawole Chabi, La personnalité corporative du Christ dans l’exégèse de Saint Augustin : une lecture de l’Enarratio in Psalmum 61 et de l’Epistula 140, pdf en ligne sur Academia.edu (textes consultés le 9 mai 2016) ; etc.
  11. C’est dans cette ligne que s’inscrit, entre autres, le livre de Thomas Kowalski, Les oracles du Serviteur souffrant, Cahiers de l’École Cathédrale, éditions Parole et Silence, 2003.
  12. Juda Halevi (1085-1141), rabbin et philosophe juif. Cité d’après Juda Hallevi, Le Kuzari, apologie de la religion méprisée, Livre II, 34, 44 ; trad. Charles Touati, Bibliothèque de l’École des Hautes Études en Sciences Religieuses, Volume C, Peeters, Louvain-Paris, 1994, p. 64 et 66. Rappelons que ce livre rapporte un dialogue imaginaire en cinq chapitres entre le roi des Khazars et un rabbin qui l’éclaire sur la vérité du judaïsme, défendant celui-ci contre les arguments des « philosophes, musulmans, chrétiens et hétérodoxes ». (D’après Wikipédia). Voir aussi l’article de Wikipédia, « Messie dans le Judaïsme ».
  13. Id, Id., Livre IV, 23 ; Ibid., p. 173.
  14. C’est exactement la comparaison développée par Jésus en Jn 12, 24 : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. »
  15. Ou «enchevêtrement» (voir le Wiki consacré à ce terme). Pour mémoire, l’intrication est un phénomène fondamental de la mécanique quantique, mis en évidence par Einstein et Schrödinger dans les années 30. Deux systèmes physiques, par exemple deux particules, se retrouvent alors dans un état quantique dans lequel ils ne forment plus qu’un seul système dans un certain sens subtil. Toute mesure effectuée sur l’un des systèmes affecte l’autre, et ce quelle que soit la distance qui les sépare. Avant l’intrication, deux systèmes physiques sans interactions sont dans des états quantiques indépendants, mais après l’intrication, ces deux états sont en quelque sorte « enchevêtrés » et il n’est plus possible de décrire ces deux systèmes de façon indépendante. Ceci d’après le site Futura-sciences.com. J’ai exposé l’analogie de ce phénomène avec la manière dont le Dessein de Dieu se déploie dans les Écritures, dans un excursus de mon livre, Un voile sur leur coeur: le 'Non' catholique au Royaume du Christ sur la terre, intitulé « Le phénomène de l’‘intrication prophétique’ », p. 87-92 du pdf.
  16. Texte repris du chapitre 8 de mon livre intitulé La pierre rejetée par les bâtisseurs. L’intrication prophétique des Écritures, p. 72-77 ; voir aussi ma brève synthèse : « L’"intrication prophétique", une particularité herméneutique de nature prophétique ».
  17. Les prosélytes - ou « craignant Dieu » - étaient des sympathisants et admirateurs de la foi juive. Sans être astreints à l’observation de toutes les prescriptions de la Loi (mitzwot), ils adoraient le Dieu des juifs et montaient lui rendre hommage à Jérusalem quand cela leur était possible.
  18. En Is 8, 23, la Galilée est appelée « Galilée des Goyim [= nations] », expression reprise à l’identique en Mt 4, 15-16, qui cite précisément ce passage d’Isaïe. Voir aussi 1 M 5, 15.
  19. Cf. Ps 59, 7 et 15 : « Lève-toi pour visiter tous les païens, sans pitié pour tous ces traîtres malfaisants. Ils reviennent le soir, ils grondent, comme un chien… ». Voir aussi Ph 3, 2 ; Ap 22, 15.
  20. Cf. mon étude, déjà citée : « ‘AM SEGULAH, De l'"économie" particulière au peuple juif dans le dessein de salut de Dieu ».
  21. J’inclinerais à écrire qu’elle les « incarne », dans la ligne même du mystère central de la foi chrétienne, qu’est l’incarnation de Dieu en la personne du Christ.
  22. J’ai rédigé un exposé simple et sommaire du sens de ce concept que j’ai forgé ; voir « Le phénomène de l'"intrication prophétique" » ; voir aussi, ci-dessus, note 29.
  23. Mot à mot : « les choses favorables, les sûres ».
  24. Grec (Septante) : « de toi ». À noter l'alternance du singulier et du pluriel, de l'individuel au collectif, qui, selon moi, dénote l’« intrication prophétique ».
  25. Mot à mot : « donneur d'ordres », « qui ordonne ».
  26. Mot à mot : « et une nation qui ne te connaît pas accourra vers toi ».
  27. Cette notion, peu familière aux non-spécialistes, constitue un sujet d’étude en soi. Je me limite ici à évoquer quelques passages scripturaires qui y font référence :

    Lc 24, 25-26: Alors il leur dit: "Ô coeurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu'ont annoncé les Prophètes! Ne fallait-il pas que le Christ endure cela pour entrer dans sa gloire?".

    Jn 12, 28: … il n'y avait pas encore d'Esprit, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié » (Jn 7, 39). …Père, glorifie ton nom! Du ciel vint alors une voix: "Je l'ai glorifié et de nouveau je le glorifierai."

    Jn 17, 5: Et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de toi de la gloire que j'avais auprès de toi, avant que fût le monde.

  28. Mot à mot: « leur descendance sera connue », ce qui connote l'association avec : « tu appelleras une nation… », et « une nation qui ne te connaît pas… ».
  29. On notera le parallèle parfait avec l’exégèse de Juda Halevi, rapportée plus haut, note 26.
  30. C’est la ‘Bat Kol’ de la tradition juive, expression qui signifie à peu près « bruit de voix ». Ce n’est pas seulement un élément théophanique, la littérature rabbinique y fait souvent allusion comme exprimant une intervention céleste à l’appui de l’enseignement d’un saint personnage ou d’un rabbin. Précisons que, dans le judaïsme, son autorité est inférieure à celle de l’enseignement rabbinique ordinaire et ne l’emporte jamais sur lui. Je n’ai pas trouvé d’article en langue française qui rende compte de manière satisfaisante du sens de cette expression ; je renvoie donc à l’article (en anglais), de Kaufmann Kohler et Ludwig Blau, qui figure dans la Jewish Encyclopedia en ligne.
  31. Rappel : sur le sens de cette expression, voir ci-dessus, note 29.
  32. Voir, dans Wikipédia, l’article « Quatre sens de l’Écriture ».
  33. Sur cette notion, fondamentale pour la lecture ecclésiale de l’Écriture, voir : Catéchisme de l’Église Catholique, III. L’Esprit Saint, interprète de l’Écriture, 114. 3 (Intratexte).
  34. Voir mes excursuses : « Réalisation en germe » ; « La "génétique" divine » ; « Voici un homme dont le nom est "Germe" » ; etc.
  35. Cf. Mt 10, 22 ; 24, 13 et parall.
  36. Pour mémoire, l’antitype (Cf. 1 P 3, 21) est ce qui correspond au type, dans le système de la typologie biblique, voir ce que dit de cette notion le site Ortolang du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.
  37. Voir, ci-dessus, note 17.
  38. Qu’on ne voie là rien d’autre qu’une appropriation symbolique audacieuse de ma part de la confidence de Paul, dans son épître aux Galates, que Dieu « a daigné révéler en [lui] son Fils… ». J’ai relaté cette expérience surnaturelle intense dans mon livre Confession d’un fol en Dieu, op. cit., p. 21-34 de l’édition imprimée, et p. 10-21 du pdf de la version électronique en ligne sur le site Academia.edu.
  39. J’ai consacré de longues années de recherche à l’élucidation de ce concept et des termes grecs sous-jacents, apokathistanai, en Ac 1, 6 et apokatastasis, en Ac 3, 21. Ils sont presque universellement (et correctement) rendus par ‘rétablir’ et ‘rétablissement’ (variantes : ‘restaurer’, ‘restauration’). Malheureusement, ces traductions ne reflètent pas la polysémie de ces termes, à savoir : ‘réparation’, ‘compensation’, ‘remise en état’, ‘restauration’, ‘réhabilitation’, ‘réintégration’, ‘reconstitution’, ‘acquittement d’un dû’, ‘mise en règle’, ‘dédommagement’, ‘dévolution de ce qui est dû ou revient à quiconque en a été frustré, etc. Voir, parmi mes articles sur ce sujet : « Signification du terme apokatastasis en Ac 3, 21 » ; « L'apocatastase: de l'intuition à la théologie » ; « Situations apocatastatiques dans le Nouveau Testament » ; etc. Voir aussi : Cardinal Hans Urs von Balthazar, L’enfer. Une question, trad. de l’allemand par Jean-Louis Schlegel, Desclée de Brouwer, Paris, 1988, chapitre 8. « Apokatastasis », p. 69-86.
  40. J’emploie ce concept ici par analogie avec celui qui connote un « système d'exégèse visant à établir une concordance entre les textes bibliques et les données scientifiques » ; voir l’article « Concordisme » sur le site Ortolang cité plus haut.
  41. Voir, plus haut, note 24.

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Cette oeuvre (Salut universel et particularisme d'Israël. Le rôle médiateur du Judaïsme Messianique de Menahem R. Macina) n’a aucune restriction de droit d’auteur connue.

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