* En rouge : les passages qui soulignent de rôle d’adversaire de l’Antichrist, dévolu à Élie, dans les combats eschatologiques qui précéderont l’avènement de l’ère messianique, et de convertisseur des juifs au Christ.

Littérature non canonique et patristique

A. Textes choisis

1) L’Apocalypse de Pierre. Texte éthiopien [1]: parle du retour futur d’Israël, dans un texte malheureusement obscur et lacunaire. Pierre y demande au Seigneur la signification de la parabole du figuier.

Et le Maître répondit et me dit : Ne comprends-tu pas que le figuier est la maison d’Israël…

Il est question du figuier qui ne porte pas de fruit, puis de la venue de l’Antéchrist ; ensuite il ressort d’un texte peu clair que les Juifs auront envers l’Antéchrist la même attitude que celle qu’ils ont eue vis-à-vis du Christ. Il semble qu’il faille comprendre qu’Israël perçoit la méchanceté de l’Antéchrist et ne le suit pas. Puis le texte poursuit:

Et quand ils le rejetteront, il tuera avec son épée, et il y aura de nombreux martyrs. Alors les bourgeons du figuier, c’est­-à-dire la Maison d’Israël, sortiront: beaucoup recevront le martyre de sa main. Hénoch et Élie seront envoyés pour leur apprendre que c’est le trompeur qui viendra dans le monde et fera des signes et des miracles pour tromper [cf. Mt 24, 24]. Et alors ils mourront de sa main et seront martyrisés et seront reconnus parmi les bons et vrais martyrs qui ont plu à Dieu pendant leur vie [2].

2) Hippolyte de Rome (170-236) : lui aussi (et – semble-t-il – un des premiers Pères à penser de la sorte), prévoit la conversion du peuple juif à la fin du monde. S’appuyant sur la prophétie des 70 semaines de Daniel (Dn 9, 24-27), il écrit:

(Daniel) a donc voulu prédire la dernière semaine d’années, à la fin du monde. Les deux prophètes Hénoch et Élie en occupent la moitié et incitent sans aucun doute à la pénitence le peuple (juif), et toutes les nations. (De l’An­téchrist, 43 : PG X, 762).

3) Victorin de Pettau (mort vers 304): lui aussi lie la conver­sion des Juifs au retour d’Élie et à la prophétie de Malachie (ch. 3):

(St Jean) nomme le prophète Élie qui doit précéder le temps de l’Anté­christ, pour rétablir les églises et les stabiliser après une intolérable persécution. Dans la perspective de l’Ancien et du Nouveau Testament, nous lisons ces choses ; le Seigneur dit, en effet, par Malachie: voilà que je vous envoie Élie le Tishbite pour tourner le cœur de l’homme vers son prochain, c’est-à-dire vers le Christ, par la pénitence. Tourner les cœurs des pères vers leurs fils : c’est-à-dire, au temps de l’appel, rappeler les Juifs vers le peuple qui leur a succédé. Et c’est pourquoi il montre même le nombre de ceux des Juifs qui croiront, et la grande multitude venue des Gentils. (Commentaire sur l’Apocalypse, VII ; Édit. Haussleiter, Vienne, 1916 – C.S.E.L. 49, pp. 54-55) [3].

4) Augustin (mort en 430 environ) : prévoit la conversion future d’Israël:

Que, par ce grand et admirable prophète Élie, la loi doive être exposée aux Juifs, aux derniers temps avant le jugement, et que les Juifs doivent croire au vrai Christ, c’est-à-dire au nôtre, (cette idée) est très répandue dans les paroles et le cœur des fidèles. (Cité de Dieu, XX, 29: PL XLI, 704; cf. aussi Ibid. XX, 30, 3).
En ces jours-là, les Juifs, ceux qui doivent voir l’Esprit de Grâce et de miséricorde [cf. Za 12, 10], se repentiront d’avoir insulté le Christ dans sa passion, lorsqu’ils le verront venir dans sa majesté, et qu’ils le reconnaîtront, lui dont leurs parents ont d’abord raillé l’humilité ; mais leurs parents, les auteurs d’une telle impiété, en ressuscitant, le verront ; ils seront déjà punis, mais pas encore châtiés […] Cependant, ceux qui doivent croire, en ce temps-là, par l’intermédiaire d’Élie, viennent de leur lignée […] C’est pourquoi nous apprenons que (les événements) suivants arriveront lors de ce jugement, ou tout proches de lui : (la venue d’)É­lie le Tishbite, la foi des Juifs, la persécution de l’Antéchrist, le juge­ment du Christ, la résurrection des morts, la résurrection des bons et des méchants, la conflagration du monde et sa rénovation. (Cité de Dieu, XX, 30, 3, 5; PL XLI, 706, 708).

5) Hilaire de Poitiers (315-367): rattache la concep­tion du salut d’Israël à la fin du monde, à la venue d’Élie et à l’accom­plissement de la prophétie de Malachie:

(Le Christ) leur répond qu’Élie reviendra pour restaurer toutes choses (Mt 17, 11), c’est-à-dire pour appeler de nouveau à la connaissance de Dieu ce qu’il trouvera d’Israël. Ces paroles signifient que Jean [le Baptiste] est venu, dans la vertu et l’esprit d’Élie. (Commentaire sur Matthieu, XVIII, 4: PL IX, 1015).
De même qu’une partie des Juifs a cru par les apôtres, de même elle croira par Élie, et elle sera justifiée par la foi» (ibid. XXVI, 5; PL IX 1058; cf. aussi: Traité des Mystères II, 15).

6) Diodore de Tarse (mort vers 390): D’après lui, seuls seront sauvés, en Israël, ceux qui répondront à l’appel d’Élie. Le «Tout Israël» de St Paul ne désigne pas l’ensemble du peuple juif, mais

« ceux qui seront appelés par Élie ou ceux qui, rassemblés par lui, alors qu’ils sont dispersés dans le monde, voudront venir à la foi » [4].

7) Jérôme (342-420), dans son Commentaire sur Malachie (III, IV, 5-6: PL XXV, 1578), affirme que

les Juifs et les hérétiques judaïsants pensent qu’Élie doit venir avant leur Messie et qu’il rétablira toutes choses.

8) Cyrille d’Alexandrie (mort en 444). Pour lui aussi, Israël se convertira, à la fin des temps (voir Commentaire sur Isaie I, I, 15; III, II, 29, 22-23). Dans un autre écrit, après avoir cité la prophétie de Malachie, il commente :

Celui-ci (Élie), lorsqu’il viendra, ramènera l’intraitable Israël, ainsi qu’il convient ; il le sortira de la longue colère (de Dieu), il le rendra ami du Christ, et en paix avec Lui (Glaphyres sur la Genèse, V, 3: PG LXIX, 262).

9) Théodore de Mopsueste (350-428). Malgré la rareté des frag­ments de son œuvre qui ont survécu, il apparaît nettement que c’est à lui tout au moins pour ce qui est de l’École d’Antioche et du cou­rant nestorien – que remontent un assez grand nombre de traditions exégétiques de cette Église [5]. Nous citerons ici un résumé du Com­mentaire de Malachie 3, 22-24, par l’évêque nestorien, Isho‘dad de Merw (IXe siècle):

«Rappelez-vous, dit (Malachie), et n’oubliez pas la Loi que je vous ai imposée par l’intermédiaire de Moïse, (et) dont le tout premier signe qu’elle est observée est que vous accueilliez le Christ qui y est attendu, quand il apparaîtra pour votre salut et (celui) de tous (les hommes). Mais parce que, même au moment de son apparition [celle de Jésus « crucifié sous Ponce-Pilate »] sur la terre, vous montrerez votre incrédulité, je vous enverrai, avant sa seconde venue du ciel, Élie le Tishbite, pour unir entre eux les divisés, etc. Ceci donc suivant l’Interprète» (c’est-à-dire Théodore de Mopsueste) [6].

10) Théodoret de Cyr (393-466). Lui aussi repousse le salut d’Israël à la fin des temps. On retrouve chez lui le schéma du retour d’Élie selon la prophétie de Malachie. C’est à la lumière de ce texte qu’il interprète Romains 11 :

Et l’Apôtre affirme plus vigoureuse­ment le salut futur des Juifs grâce à Élie le Tishbite. (Commentaire sur Ezéchiel, XLVIII, PG LXXXI, 1254).

Et dans son Commentaire sur l’Épître aux Romains (XI, 25, PG LXXXII, 180), il écrit:

La cécité a frappé une partie d’Israël jusqu’à l’entrée de la totalité des païens, et ainsi, tout Israël sera sauvé Rm 11, 26] (…) (St Paul) exhorte à ne pas désespérer du salut des autres (la partie qui n’est pas sauvée). En effet, après que les Gentils auront reçu la prédica­tion, ceux-là mêmes [les Juifs] croiront, quand le grand Élie sera venu, et leur aura apporté la doctrine de la foi […] Le témoignage du Prophète l’établit.

Il est intéressant également de noter la citation suivante de Théo­doret, reproduite en syriaque par Isho‘dad de Merw, en ces termes:

Théodoret dit que ces trois ans et demi (de Daniel 12, 12) constituent le temps où régnera l’Antéchrist à la fin, et les quarante-cinq jours (le temps) à partir (du moment) où le Fils de la perdition sera condamné et qu’Élie triomphera, et qu’il détournera tout homme de (l’Antéchrist), admonestera les Juifs et prêchera Notre Seigneur, jusqu’à ce que Notre Seigneur apparaisse du ciel (Isho‘dad sur Daniel 12, 12) [7].

Et encore, sur Daniel 12, 1:

« En ce temps-là se lèvera Michel, le grand Prince qui se tient prêt pour les enfants de ton peuple ». Il veut dire: l’Archange, à la tutelle duquel vous êtes confiés, viendra au se­cours des combattants. Et cela deviendra clair à l’aide d’une autre interprétation. En effet, Dieu dit aux Juifs, par Malachie le prophète: « Voici que je vais vous envoyer Élie le Tishbite, avant que ne vienne le Jour du Seigneur, grand et subit ; c’est lui qui ramènera le cœur du père vers le fils, et le cœur de l’homme vers son prochain (Septante), de peur que je ne vienne frapper la terre d’anathème. » Il nous enseigne donc que, lors des entreprises de l’Antichrist, apparaîtra le grand Élie, proclamant aux Juifs l’avènement du Seigneur, et il en convertira beau­coup. C’est ce que signifie en effet: « Il ramènera le cœur du père vers le fils », c’est-à-dire (il ramènera) les Juifs à ceux qui étaient destinés à croire parmi les nations. Ceux-là [les Juifs], en effet, il les appelle pères, en tant que plus anciens pour ce qui est de la connaissance. C’est pourquoi ‘il ne dit pas: « Il ramènera le cœur du fils vers le père », mais « le cœur du père vers le fils », il assimile en effet le Juif qui croira, à l’Église. Et du fait que, pour ce qui est de la connaissance, le Juif est plus ancien, alors que la nature de ces deux est une, c’est avec raison qu’il poursuit: « Et le cœur de l’homme vers son prochain », enseignant (par là) que, certes, leur nature [celle des Juifs et des Chrétiens] est une, mais que la connaissance divine a été donnée aux Juifs d’abord. C’est en raison de leur incrédulité qu’ils se sont avérés être les derniers. Mais quand ils croiront, par la prédication du grand Élie, ils seront assimilés à ces nations qui se sont saisies du salut qui leur était envoyé, et ils seront consommés en une seule Église. (PG 81, col. 1533).

B. Analyse des thèmes

Le fragment de l’Apocalypse de Pierre cité plus haut est intéressant à plus d’un titre. Israël y est comparé au figuier de l’Évangile, desséché par Jésus. L’intention favorable aux Juifs est nette ; alors que Jésus dit au figuier: «désormais tu ne porteras plus de fruit!» (Mt. 21, 19), notre écrit déclare avec assurance: «Alors les bourgeons du figuier, c’est-à-dire la Maison d’Israël, sortiront…» – ce qui semble bien être une allusion à Is 27, 6 : «À l’avenir Jacob s’enracinera, Israël bourgeonnera et fleurira…»

Autre élément curieux dans cet écrit : «Hénoch et Élie sont envoyés à Israël pour leur apprendre que c’est le trompeur qui viendra dans le monde et fera des signes et des miracles pour tromper.» On peut s’étonner de cette prémonition – précisément chez les Juifs – prédite dans un écrit chrétien. Il semble donc que cette apocalypse ait vu le jour dans un milieu judéo-chrétien.

Hippolyte de Rome (170-236) s’appuie sur Daniel 9, 24-27, c’est­-à-dire la prophétie des 70 semaines, pour décrire les événements de la Fin. Pour lui, il est clair qu’Hénoch et Élie [8] reviennent, quoique leur mission auprès des Juifs ne soit pas exclusive, car «ils incitent sans aucun doute à la pénitence le peuple (juif) et toutes les nations» [9].

Chez Victorin de Pettau (mort en 304), les choses sont beaucoup plus subtiles, et l’intention apologétique est nette. La prophétie de Malachie est utilisée pour caractériser le rôle d’Élie comme convertis­seur du peuple juif à la foi… au Christ : «Voilà que je vous envoie Élie, le Tishbite, pour tourner le cœur de l’homme vers son prochain, c’est­-à-dire vers le Christ, par la pénitence.» Mieux, les Juifs doivent se rallier au «peuple qui leur a succédé», c’est-à-dire l’Église. C’est ainsi que Victorin comprend «tourner les cœurs des Pères (Juifs) vers les Fils (chrétiens).»

On trouve même chez cet écrivain une conception surprenante, signa­lée plus haut (note 135) : les 144.000, qui suivent l’Agneau partout où il va, sont des Juifs convertis à Jésus par Élie !

Là encore, il est clair que le dialogue existe bien avec les Juifs, et cet écrit, lui aussi, malgré son caractère ecclésial prononcé, appartient sans doute à un courant qui n’a pas renoncé au lien indissoluble avec l’ »Israël selon la chair », bien que sa perspective de l’unité finale des deux peuples soit renvoyée aux calendes de l’Histoire.

Il serait inutile d’examiner successivement chacun des textes cités ci-dessus, d’Augustin à Théodoret de Cyr (à savoir, Hilaire de Poitiers, Diodore de Tarse, Cyrille d’Alexandrie, Théodore de Mop­sueste), car ils suivent à peu près tous le même schéma : attente et espérance d’une conversion des Juifs, à la Fin des temps, par l’entre­mise d’Élie, conversion considérée comme une adhésion de foi au Christ Jésus.

C. Synthèse

Sans pouvoir entrer ici dans les détails, signalons qu’il existe deux courants divergents à propos d’Élie. Pour faire bref, disons que ceux des Pères et écrivains chrétiens qui pensent qu’il faut prendre à la lettre les paroles de l’Évangile au sujet de Jean-Baptiste, identifié à Élie, ne s’occupent plus du prophète et n’envisagent même pas son retour eschatologique, ce qui est conforme à leur interprétation.

Pour ce qui est du second courant, qui tient pour un retour eschatologique d’Élie, je n’ai pas cru devoir citer des textes qui affirment la chose sans plus, ce qui ne fait guère progresser la recherche. Par contre, j’ai mis l’accent sur des passages qui assignent à Élie le rôle de convertisseur de son peuple, en particulier, parce que c’est dans ceux-là que l’on trouve le plus d’éléments concrets sur le rôle d’Élie. Il semble plausible que certains Pères aient été influencés par des apocalypses, telles, entre autres, celles d’Élie et de Pierre [10], et d’autres écrits apocryphes et pseudépigraphiques. Mais ce point nécessiterait une solide étude sui generis, pour qu’il soit possible d’en tirer des conclusions utiles.

L’élément le plus remarquable qui se dégage de cette brève sélec­tion de textes est celui-ci : Le rôle d’Élie, comme « convertisseur » du peuple juif, à la fin des temps, apparaît bien comme le décalque de celui de Jean le Baptiste, lors de la «première venue» du Christ dans la chair.

Bien entendu, la chose n’est pas toujours exprimée, mais l’idée est sous-­jacente dans la quasi-totalité des cas; on le voit surtout par l’image d’Élie et la façon dont est décrite son action de prédicateur: il précède le Messie (= Jésus), il restaure et convertit… C’est exactement l’image que les Évangiles nous présentent de Jean le Baptiste.

Je reviendrai sur ce point dans ma conclusion, outre que je m’efforcerai de déceler sous quelle influence et par quel processus les Pères et les écrivains chrétiens en sont arrivés à une telle concep­tion du rôle d’Élie.


II. Les Nestoriens

J’ai cru bon de consacrer un chapitre particulier à cette l’église schismatique nestorienne, car il s’avère qu’on trouve, chez certains de ses écri­vains, un bon nombre de traditions juives – fait déjà remarqué par Levene et Jansma [11] -, ou, à tout le moins, judéo-chrétiennes, provenant surtout des apocryphes et des pseudépigraphes [12].

Pour ce qui est des traditions juives, on en a vu un exemple, plus haut, avec le kohen tsedeq [prêtre juste] du Talmud Souccah, et le kahna zadiqa [même sens], de l’exégète nestorien, Isho‘dad de Merw [13] ; on en citera un également en ce qui concerne les apocryphes. Dans une de ses homélies, Narsaï de Nisibe appelle l’Antéchrist « Impudent » [14], et c’est bien ainsi qu’il est appelé dans l’apocalypse copte d’Élie [15], entre autres. Nous aborderons successivement deux écrivains fort différents l’un de l’autre : Narsaï (Ve siècle) tout d’abord, le plus apo­calyptique, le plus prolixe aussi ; puis, le fameux compilateur exégète, lso’dad de Merw (IXe siècle),

 A. Narsai (Ve s.)

1. Textes

Pour Narsaï je ferai une exception à la règle que je me suis fixée et je citerai, après un premier texte consonant avec la prophétie de Mala­chie, un autre extrait, assez long, d’une homélie mettant en scène Élie dans un contexte, certes, fort apocalyptique, mais sans la connotation de conversion du peuple juif.

Le Rebelle réalisera tout ce qu’il veut par le fils de perdition, et alors, le Créateur placera sur la terre un signe de miséricorde: Élie apparaîtra soudain et contiendra l’impétuosité du Trompeur; et il fera cesser sa course, pour qu’il ne fasse pas trop glisser tout homme. C’est à cette condition qu’Élie sera envoyé, à la fin des Temps, pour venir ordonner toutes choses [cf. Mc 9, 12] avant la manifestation du Christ. Élie viendra d’abord, pour faire taire les voix de l’erreur, et ramener le cœur des pères, pour qu’ils soient corrigés par leurs fils (cf. Ml 3, 24). Le roi enverra à la terre habitée un messager plein de paix, pour que, par la révélation de ses paroles, il tempère l’amertume du Coléreux. Par lui, comme (par) une lampe, il illuminera les ténèbres dans la science, et par lui, comme (par) un guide, il ramènera les égarés dans le chemin de la vie. Par les paroles d’Élie prendront fin les paroles du Trompeur, et les captifs trancheront leurs filets et reviendront de l’iniquité. Élie sèmera en abondance des paroles de contrition, et accroîtra, par la rosée de ses paroles, le repentir du peuple et des peuples [= Juifs et Nations]. Dans l’ordre où servit Jean, avant sa manifestation terrestre (celle de Jésus), dans le même (ordre) viendra Élie, avant sa manifestation céleste. Il s’est choisi deux hérauts charnels dans ses deux manifesta­tions, pour qu’ils lui préparent sur terre des demeures d’amour dans l’âme. Jean a annoncé sa naissance, et Élie sa manifestation, mais leur signe à eux deux est unique : ramener à lui les perdus. Élie multi­pliera les avertissements: ‘Voici que la fin est proche désormais ; revenez de (votre) errance, égarés, dans la voie sereine de mes paroles’» [16].

Les deux autres textes de Narsaï que nous abordons maintenant n’ont rien à voir avec le thème principal de ces pages. Je crois cependant utile de les citer assez largement, car ils sont représentatifs d’une thématique – fort peu répandue, à ma connaissance, au moins dans la littérature chrétienne tardive -, et rappellent très nettement le genre apocalyptique tel qu’on le trouve, par exemple, dans la littérature intertestamentaire. Toutefois, en raison de leur longueur, on ne les commentera que très brièvement.

Il (c’est-à-dire un signe caché) enverra un messager (pris) parmi nous vers sa méchanceté, et il fera taire son tumulte par le bruit de ses paroles. Comme le rayon d’une sphère, il apparaîtra soudain, et il chassera de l’humanité les ténèbres de ses turpitudes. Tel un comman­dant, le fils des étrangers [17] sortira à sa rencontre, et il lui arrachera les hommes captifs, par la puissance de l’Esprit; il viendra à la fin, le prophète de l’Esprit, pour aller combattre contre le Rebelle, qui explique (sa) fraude. Il combattra spirituellement contre le Fraudeur, et il lui montrera qu’il y a dans notre corps la puissance de l’Esprit. Au moment où il croit réaliser son désir dans les (êtres) corporels, un (être) corporel apparaîtra et révélera son mensonge. Au jour où il pense qu’il a déjà régné sur toutes choses, un homme élèvera la parole de sa bouche et il l’humiliera. D’entre nous, l’homme sortira (pour combattre) contre celui qui est rempli d’orgueil, et il lui livrera bataille publiquement, à la vue de toutes les créatures. L’Esprit armera un soldat de notre camp, et l’enverra faire la guerre contre sa furie. Dans notre corps, il (Satan) a combattu contre notre liberté et elle fut vaincue par lui, mais par notre corps il sera vaincu, lui aussi, et tous se moqueront de lui. C’est par le corps, qu’il a vu corrompu par ses convoitises, qu’Élie, lui aussi, montrera sa vaillance. Le corps qui a résisté à la corruption de la mort avide fera la guerre contre le Rebelle qui a introduit la mort. Une grande guerre aura (lieu) sur la terre, à la fin des temps, dans laquelle deux (êtres) corporels lutteront avec deux puissances; ils revêtiront, comme armure sur leurs sens, la vérité et la fraude, et ils (se) lanceront les flè­ches de leurs paroles l’un contre l’autre. Le fils des étrangers se ceindra entièrement de la vérité, et le fils de la perdition sera vêtu de l’apparence du mensonge. Le fils de la droite sera revêtu de la cuirasse de la justice, et le fils de perdition sera habillé avec les guenilles de l’abominable iniquité. Le casque de la foi a été posé sur le prophète de la vérité, et la coupe de la fraude a été placée sur la tête de l’ouvrier trompeur. Le juste combattra vaillamment au nom de la justice, et celui qui est totalement inique déversera des paroles de mensonge. Mensongère­ment le méchant combattra avec le Malin, son compagnon, et vraiment la vérité triomphera par la bouche d’Élie [18].

Ph. Gignoux observe fort justement [19] : « ce combat n’est pas seulement un combat singulier, c’est aussi le combat contre toutes les puissances du mal, contre les démons et les hommes pervers, mais, de même qu’Élie l’a emporté sur les prêtres de Baal, de même, il vaincra dans ce combat, que nous décrivent aussi l’homélie n° 51 et, d’une manière plus ample, un passage de l’homélie n° 52 » [20].

L’égaré réalisera toute sa convoitise auprès des égarés, jusqu’à ce que le fils des étrangers sorte pour combattre contre lui. Le fils des étrangers sortira à la rencontre du fils de perdition, et il fera cesser son tumulte par la puissance de l’Esprit. L’Esprit équipera l’homme charnel d’une arme spirituelle, et l’enverra faire la guerre contre Satan. Les hommes et les (êtres) célestes verront une grande merveille, lorsque les démons et les hommes lutteront contre un seul homme. Lui seul mènera le combat contre des multitudes et des légions de guerriers seront vaincues par lui. Il descendra comme un athlète et se tiendra entre leurs rangs, et il élèvera sa voix, et les armées du Malin en trembleront. La création sera dans le stade pour son combat, et le monde se rassem­blera pour voir la lutte d’un seul (être) contre des milliers. Il se tiendra au milieu, dans le théâtre du combat, et les (êtres) terrestres et célestes le considéreront (…) le fils des étrangers fera luire sa parole comme une épée, et le Haïsseur s’enfuira et ne pourra l’emporter devant ses paroles. Les paroles de celui qui est plein de zèle seront des flèches acérées, et il enfoncera le camp des démons. Des milliers de mille et des myriades (d’êtres) l’observeront et s’enfuiront se cacher, comme des renards dans leurs tanières. Il fera une guerre terrible contre les armées du Malin, jusqu’à ce qu’apparaisse le Roi de la hauteur et qu’il l’aide.

2. Analyse des thèmes

Première constatation évidente: aucune allusion nette n’est faite par Narsaï (au le moins dans les extraits abordés ici) au rôle eschato­logique d’Élie comme «convertisseur à la foi au Christ Jésus», toutefois, il semble certain que cette conception était connue du directeur de l’École de Nisibe, et qu’il l’a faite sienne. Le premier ex­trait, cité ci-dessus, semble aller dans ce sens, puisqu’il compare les deux missions de Jean le Baptiste (= Élie), dont le but était le même (selon Narsaï), à savoir, «ramener à lui les perdus», et en tenant compte du fait que tant Jean le Baptiste que Jésus ne furent envoyés qu’aux Juifs (cf. Mt 15,24), il semble bien que Narsaï considère comme ressortissant au rôle d’Élie la conversion (entre autres) des Juifs. Un autre passage de l’extrait cité semble corroborer cette impression ; il y est dit en effet: «Élie viendra d’abord, pour faire taire l’erreur et ramener le cœur des pères, pour qu’ils soient corrigés par leurs fils» [21]. L’allusion à Malachie ne doit pas en faire oublier une autre, qui semble encore plus forte. Dans l’évan­gile de Matthieu 12, 22-29, Jésus est accusé de chasser les démons par la puissance de « Beelzéboul, le prince des démons » (v. 24). A cette accu­sation, il répond : «Si moi, c’est par Beelzéboul que j’expulse les démons, vos fils [22], par qui les chassent-ils ? Aussi seront-ils eux-mêmes vos juges» (v. 27). D’après une tradition chrétienne tenace [23], ces « fils », auxquels fait allusion Jésus, sont les Disciples eux-mêmes, lesquels constituent une génération nouvelle qui, bien qu’issue des pères que sont les scribes et les pharisiens, ne suivront pas leurs traces, mais celles du réformateur religieux thaumaturge.

Mais la phrase la plus révélatrice est bien la dernière de cette citation, qui nous apprend qu’Élie amènera au repentir «le peuple et les peuples» ; comme dit plus haut, il s’agit des Juifs et des non-Juifs des nations [24]. Ainsi, la cause paraît entendue : la conversion des Juifs est attendue et prévue par Narsaï pour la fin des temps, et elle sera l’œuvre d’Élie.

Toutefois, l’élément le plus remarquable des extraits des deux homélies de Narsaï, cités plus haut, est, sans conteste, le rôle de « Champion de Dieu » joué par Élie dans son combat singulier contre l’Antéchrist. Il serait intéressant de pouvoir déterminer les sources utilisées par le savant commentateur nestorien, afin d’être en mesure de retracer l’origine et l’évolution de ce thème ; malheureusement nous en ignorons presque tout, à ce stade de la recherche tout au moins.

Le seul écrit qui présente quelque affinité (au demeurant lointaine) avec ces textes étranges est – à la rigueur – le «Rouleau de la Guerre des Fils de Lumière contre les Fils des Ténèbres», découvert dans le désert de Juda. Le rôle d’Élie, décrit comme «un athlète qui se tient dans les rangs des combattants», rappelle celui du premier prêtre (hakohen ha-ehad) de la Règle de la Guerre (VII, 12), dont il est dit qu’il «ira sur le front de tous les hommes de la ligne (de bataille) pour fortifier leurs mains dans la guerre.» D’ailleurs, en général, le caractère cultuel du combat est marqué dans ces deux écrits, au demeurant fort dissemblables, et dont les sources sont, sans aucun doute, très différentes.

Il a paru utile de consacrer un paragraphe particulier au célèbre écrivain nestorien. En effet, ces textes étranges, si curieusement dénués de parallèles, semble-t-il, doivent bien remonter à quelque tradition. A mon avis, Narsaï a utilisé des écrits apocalyptiques juifs aujourd’hui disparus (à l’exception de quelques bribes, souvent douteuses, con­servées dans des compilations hébraïques tardives, sur lesquelles il est difficile de fonder des certitudes scientifiques). Cependant il importe de souligner que, même en faisant l’économie de l’hypo­thèse d’une influence d’écrits apocalyptiques juifs apocryphes sur Narsaï, il est clair que ce dernier a retenu la typologie d’Élie, que nous connaissons bien d’après la Bible (I Rois). En effet, il n’est pas besoin d’aller chercher loin pour trouver la typologie du « Champion de Dieu et de l’orthodoxie », qu’utilise Narsaï dans les fragments analysés ci-dessus : elle ressort fort nettement des actions d’Élie, telles que nous les relate la Bible. Élie est bien seul contre tous : « Je suis resté moi seul et ils cherchent à m’enlever la vie» [25] ; il est bien le prophète zélé et le vengeur impitoyable de l’Alliance divine: «Je suis rempli d’un zèle jaloux pour Le Seigneur Sabaot, parce que les Israélites ont abandonné ton alliance…» [26]. Seul, il s’oppose à tous les faux prophètes ; seul, il tient tête au tout-puissant Achab et à la redoutable Jézabel. Bref, on peut dire que Narsaï trouve, dans le Livre des Rois, tous les éléments fonda­mentaux susceptibles de l’aider à composer sa figure de l’Élie eschato­logique, luttant seul face à l’Antéchrist, au milieu de la corruption et de l’apostasie générales. 


3. Synthèse

Malgré tout ce qui vient d’être dit, il reste bon nombre d’éléments qui sont propres à Narsai et n’ont certainement pas pu être imaginés à partir de situations bibliques connues. Je l’ai dit, il se peut que ces éléments proviennent d’écrits apocalyptiques juifs ou judéo-chrétiens. En outre, ces textes comportent des éléments ésotériques originaux fort nets ; par exemple, l’insistance sur le rôle du corps dans cette lutte étrange, décrite par Narsai, entre deux êtres corporels investis chacun d’une puissance surnaturelle.

Autre aspect qui demande une élucidation particulière : le genre de combat décrit est verbal, mais il est fatal et même mortel ; et il faut bien avouer que nous ne savons guère ce qu’entend Narsaï par des phrases telles que : «(Élie) fera cesser son tumulte (celui de l’Antéchrist) par la puissance de l’Esprit.» Ou bien: «L’Esprit équipera l’homme charnel d’une arme spirituelle (…) et il élèvera sa voix, et les armées du Malin en trembleront» [27].

De même, il est difficile de nous imaginer comment «le monde se rassemblera pour voir la lutte d’un seul contre des mil­liers». Seul point d’appui à peu près sûr: l’Apocalypse. Une phrase telle que : «le Fils des Étrangers (= Élie) fera luire sa parole comme une épée […] ; les paroles de celui qui est plein de zèle seront des flèches acérées, et il enfoncera le camp des démons», rappelle assez bien les deux témoins de l’Apocalypse (11, 3 ss.) qui «prophétiseront pendant 1260 jours, revêtus de sacs» (v. 3), et dont il est précisé : «si l’on s’avi­sait de les malmener, un feu jaillirait de leur bouche pour dévorer leurs ennemis» [28] ; etc. Bref, Narsaï garde le cadre de l’Écriture dans ses deux poèmes religieux, avec, toutefois, bien des notes personnelles qui mérite­raient qu’on leur consacre une étude spéciale, tant pour la question des sources que pour celle du but spirituel ou apologétique poursuivi par l’auteur.

Pour terminer, il ne sera peut-être pas inutile de risquer l’hypo­thèse que cette représentation d’Élie en « Champion de Dieu », qui semble propre à Narsaï, soit, en fait, une tradition patristique (antiochienne ?) recueillie par les Nestoriens. On sait, en effet, que ces derniers ont fixé, dans leurs nombreuses œuvres homilétiques et exégétiques, une foule de tradi­tions apostoliques, pseudépigraphiques et patristiques, dont certaines n’ont plus d’équivalents qui nous soient connus. Ne serait-ce qu’à ce titre, leurs œuvres méri­teraient un examen particulier.

Et voici une illustration de ce que le thème susdit n’était pas l’apanage de Narsaï ; on trouve en effet, chez le prêtre nestorien de langue grecque, Cosmas Indicopleustès (VIe siècle), le texte suivant [29]:

Voici Élie, le premier des hommes qui montra aux hommes à [sic] courir à travers les cieux, le premier des hommes qui a démontré que la route des anges et des hommes est une; lui qui avait reçu la terre pour demeure, il parcourt le ciel tout entier ; mortel, il rivalise avec les immortels; lui qui marchait sur la terre, tel un esprit, il plane dans le ciel avec les anges […] Élie, homme de longue vie, sans vieillesse, stratège gardé en réserve contre l’Antéchrist, qui s’opposera à lui, con­fondra sa fourberie et son orgueil, et ramènera à Dieu, lors de la con­sommation des siècles, tous les hommes égarés par sa séduction. Voici celui qui est jugé digne d’être le précurseur de la deuxième glorieuse venue du Seigneur Christ !…

De même, trois siècles plus tard, Isho‘dad de Merw (IXe siècle), le savant évêque nestorien de Hedatta, commentant 2 Rois 2, 11, déclare à propos d’Élie:

Les mots: « Des chevaux et un char de feu », à cause de l’ardeur et du zèle (d’Élie), et parce qu’il aura à combattre l’armée de feu de l’Antéchrist» [30].


B. 
Isho‘dad de Merw

Souvent citée dans ces pages, l’œuvre de ce savant exégète nes­torien a pour nous l’immense avantage d’avoir bénéficié d’une édition soigneuse et d’une traduction française érudite, auxquelles ne manquent ni notes, ni remarques du plus grand intérêt, par les soins du Père Ceslas Van den Eynde, de Louvain. Ceci pour l’Ancien Testament. Pour le Nouveau Testa­ment, nous disposons de l’édition (avec traduction en anglais par Gib­son [31]) du Commentaire qu’Isho‘dad lui a consacré.

Par son volume et sa valeur intrinsèque, cette compilation est un réservoir inépuisable de traditions, tant nestoriennes que patris­tiques ; en outre, comme on y a déjà fait allusion, elle contient un nombre important d’emprunts à la littérature apocryphe et à la tradition rab­binique. Toutefois, son inconvénient est fonction inverse de ses avan­tages, à savoir: beaucoup de sources et fort peu de références.

Il reste que cette œuvre, véritable somme encyclopédique de l’exégèse, est indispensable, non seulement à la connaissance de l’her­méneutique nestorienne, mais à celle de l’historiographie et de l’exégèse bibliques en général. En particulier, on y trouve un luxe de détails (d’origine souvent inconnue) sur les événements, les personnes et les lieux du récit biblique, qui font de cette œuvre un véritable manuel d’étude du milieu biblique.


1. Textes

Élie est assez souvent évoqué chez Isho‘dad. Voici les principaux passages caractéristiques (sans revenir sur les trois déjà évoqués plus haut). Ils nous fournissent des renseignements précieux sur le ‘profil’ du prophète.

– Sur Dt 18, 15 [32] :

Élie aussi est déclaré égal ou supé­rieur à Moïse en fait d’excellence, tant en raison des (actions inouïes) qu’il a faites et qu’il fera (encore), que parce qu’il a été préservé de la mort.

– Sur 1 Rois 17, 1 [33]:

Les mots « (Élie), des colons de Galaad », C’est analogue à ce qui est dit de Halqana « de la colline des guetteurs » (etc.). (L’Écriture) nomme (le prophète) « (un) des colons » [34] parce que les prêtres n’avaient pas de ville propre mais séjournaient dans les villes qui leur étaient désignées comme résidence, pour eux et leur famille. Car Élie était prêtre.»

– Sur Malachie 3, 22-24 [35]: lso’dad n’hésite pas à présenter l’opinion contraire, forte de l’autorité d’Éphrem, quitte à la faire suivre de l’opinion des tenants du retour eschatologique d’Élie :

Mais Mar Éphrem et d’autres docteurs appliquent le nom d’Élie à Jean le Baptiste. Car si c’était d’Élie le Tesbite que (Dieu) dit qu’il le leur enverra, il ne leur ordonnerait rien d’autre que d’observer la loi de Moïse jusqu’à la (seconde) venue du (Christ); mais si la loi n’est donnée à être observée que jusqu’à Jean, c’est ce dernier qu’il nomme ici Élie, en raison de ses reproches, de son zèle, de son genre de vie, etc., comme l’a dit Notre Seigneur : « Voici, dit-il, Élie est venu et on ne l’a pas reconnu » ; et l’ange à Zacharie: « Lui-même », dit-il, « marchera devant le Seigneur Dieu dans l’esprit et la puissance d’Élie le prophète », etc. Même Zorobabel, en effet, fut appelé David ; etc.
D’autres disent: par le fait qu’il a dit: « son jour grand et redou­table », il est évident qu’il parle du dernier avènement (du Christ) et d’Élie le Teshbite. Par contre, son premier avènement se fit dans l’abais­sement, la grotte, la crèche, etc. : « méprisé et déconsidéré des hommes », dit (l’Écriture) (…) Le Grec aussi dit « Élie le Teshbite » au lieu d' »Élie le prophète ».

Enfin, nous trouvons, dans le commentaire d’Isho‘dad sur l’Épître aux Romains (Rm 11, 17-28), ce passage intéressant [36]:

Quel est donc le mystère? Cet endurcissement de cœur est sur­venu à Israël « pour un temps ». Il veut dire qu’ils ne resteront pas indé­finiment étrangers à Dieu, mais un temps viendra où ils confesseront la vérité, quand tous les hommes auront reçu l’enseignement de la religion. En fait, il annonce le temps de l’avènement d’Élie. Et qu’en résultera-t-il ? « Alors tout Israël sera sauvé », c’est-à-dire tous les Juifs qui ont, par nature, affinité de race avec Israël; alors, dit-il, en ce temps-là ils retourneront tous à Élie comme à leur propre prophète, et par son entremise ils s’approcheront de la foi au Christ…


2. Analyse des thèmes

Il est clair qu’Isho‘dad ne ménage pas sa peine pour établir le portrait minutieux d’Élie. Son appartenance sacerdotale (que nous n’avons étayée ici que d’une citation) est plusieurs fois affirmée et même prouvée.

En outre, on note, chez Isho‘dad, une grande sensibilité au rôle eschatologique d’Élie ; avec les opinions de Théodore et Théodoret qu’il rapporte (voir plus haut), et la sienne propre (mentionnée ci-dessus), nous avons de lui six affirmations du rôle eschatolo­gique d’Élie, ce qui n’est pas négligeable.


3.  
Synthèse

On constate, une fois de plus, la richesse et l’importance de la tradition syriaque nestorienne pour l’interprétation de l’Écriture, en général, et pour le thème du retour eschatologique d’Élie, en par­ticulier.

Il n’a pas été possible de citer ici in extenso plusieurs passages, fort riches en détails concrets dont l’origine nous échappe, et dont, autant que je sache, nous ne connaissons pas de parallèles, tant dans la littérature chrétienne que dans la tradition rabbinique.

Nous avons déjà évoqué le poids probable de la tradition apo­cryphe. En l’absence d’une monographie présentant toutes les garanties de fiabilité en la matière, on ne peut y voir qu’une hypothèse de travail, même si l’on peut pressentir qu’elle s’imposera un jour.

Pour ce qui est des traditions concernant Élie, le phénomène ne devrait pas étonner. Nous voyons en effet que, du vivant de Jésus déjà, un certain nombre de « critères » messianiques étaient communément admis par les scribes et les pharisiens, bien qu’aucun d’eux ne figure dans les textes religieux de référence. Par exemple, la triple question adressée à Jean le Baptiste par les prêtres et les lévites, en Jn 1, 19, semble corroborer l’existence de schémas véhiculés par une tradition orale tenace faisant autorité.

L’ordre des personnages attendus pour le temps de la Fin était clair et infrangible : à savoir, dans l’ordre ascendant, le prophète, Élie, le Messie. Au témoignage des évangiles, Jean le Baptiste ne se reconnaissait dans aucune de ces trois fonctions (Jn 1, 20-21). Embarrassée, semble-t-il, par les affirmations – apparemment contradictoires, et par trop mystérieuses –, de Jésus, la tradi­tion chrétienne subséquente s’y reconnaissait encore moins. À l’inverse, les Nestoriens, on vient de le voir, forts d’une tradition beaucoup plus sûre d’elle-même que la grecque (même si ses sources sont précisément grecques!), à savoir, entre autres, Théodore et Théodoret, n’avaient pas de ces tergiversations et faisaient confiance au prophète Malachie (Ml 3, 23) plutôt qu’à Ephrem, si vénéré fût-il !

Il reste qu’on peut légitimement s’interroger sur les raisons qui motivaient ces chrétiens orientaux, dont le zèle pour la mission et la prédication sont bien connus des spécialistes [37], à recourir aussi massivement à ces textes, pour la plupart non canoniques, sans se justifier. Pour ma part, il ne fait guère de doute – même si je ne puis en apporter la preuve formelle – qu’ils appartenaient à une source orale vénérable et quasiment normative, je veux parler de la tradition des Presbytres [38].


  1. Traduit en anglais dans New Testament Apocrypha, Vol. 2, éd. W. Schneemelcher, West­minster Press, Philadelphia, 1963, p. 669.
  2. Pour que chacun puisse juger par lui-même de notre traduction, voici la version anglaise plus complète de N.T. Apocrypha (op. cit., ibid.): «...Even as a man hath planted a fig-tree in his garden and it brought forth no fruit, and he sought its fruit for many years. When he found it not, he said to the keeper of his garden 'Uproot the fig-tree that our land may not be unfruitful for us.' And the gardener said to God 'We thy servants (?) wish to clear it (of weeds) and to dig (Lk. 13:6 ss.) the ground around it and to water it. If it does not then bear fruit, we will immediately remove its roots from the garden and plant another one in its place.' Hast thou not grasped that the fig-tree is the house of Israel? Verily, I say to you, when its boughs have sprouted at the end, then shall deceiving Christs come (Mk 13:22 & par.) and awaken hope (with the words): 'I am the Christ' (Mt. 24:5) who have (now) come into the world.' And when they shall see the wickedness of their deeds (even of the false Christs), they shall turn away after them and deny him to whom our fathers gave praise (?) the first Christ whom they crucified and thereby sinned exceedingly. But this deceiver is not the Christ.».
  3. On trouve aussi, chez Victorin, une curieuse interprétation des 144.000 qui suivent l'Agneau, selon l'Apocalypse de Jean (Ap 14, 4 et par.). Pour l'écrivain ecclésiastique «ce sont certainement ceux d'entre les Juifs qui, dans les derniers temps, viendront à la foi grâce à la prédication d'Élie ; l'Esprit atteste qu'ils sont vierges non seulement de corps, mais aussi de langue. » (Victorin de Poetovio, Sur l'Apocalypse et autres écrits, VII, Édit. M. Dulaey, Sources Chrétiennes n° 423, Cerf, Paris, 1997, p. 115).
  4. K. Staab, Pauluskommentare aus der griechischen Kirche, Münster, 1933, p. 104.
  5. C'est l'opinion de la majeure partie des spécialistes: Vööbus, Levene, Jansma et Van den Eynde. Ce dernier auteur ne manque pas d'étayer le fait par ses fréquentes notes et ses tableaux synoptiques ; voir surtout Commentaire d'Isho‘dad de Merw sur l'A.T., T. IV Isaïe et les douze, C.S.C.O. 304/129, Louvain 1969, p. XII à XVII.
  6. Commentaire d'Isho'dad de Merw sur l'A. Testament, T. IV, Isaïe et les douze, op. cit., p. 179. Cf. Théod. de Mopsueste sur les Psaumes, Commentarius in Oseam, etc., Migne, PG LXVI, col. 632 A9-C3.
  7. Cité d'après le Commentaire d'Isho‘dad de Merw sur l'A.T., T. V Jérémie, Ezéchiel, Daniel, C.S.CO. 329/147, Louvain 1972, p. 153.
  8. On constate, une fois de plus, que le retour d'Élie et d'Hénoch était un événement attendu par les premières communautés chrétiennes, sans doute sur la foi de traditions orales anciennes recueillies par les presbytres, ou sur la base de spéculations ésotériques. Un bon nombre d'écrivains chrétiens voient, dans les deux témoins d'Ap 11, 3 ss., Hénoch et Élie.
  9. Voir l'expression similaire «Le peuple et les peuples», analysée plus loin, note 150.
  10. Sur ce qui reste des Apocalypses d'Élie (éditions, traductions, études, etc.) et sur les écrits perdus concernant ce prophète, consulter surtout A.M. Denis, Introduction aux Pseudépigraphes Grecs d'Ancien Testament, Leiden-Brill, 1970, pp. 163-170. Rosenstiehl a traduit en français et étudié l'Apocalypse copte d'Élie, voir J.M. Rosenstiehl, L'Apocalypse d'Élie, dans la collection Textes et Études pour servir à l'Histoire du judaïsme intertestamentaire, dirigée par M. Philonenko. T. I, P. Geuth­ner, Paris, 1972. A signaler également qu'il existe une Apocalypse d'Élie en hébreu rabbinique. Édit. et trad. allemande par M. Buttenwieser, Die hebraische Elias­ Apokalypse, Leipzig, 1897. Texte hébreu pp. 15-26; trad. pp. 61-67. Consulter également Michael Stone, John Strugnell, The Books of Elijah, Parts 1-2, Scholar Press, 1979 ; ce livre recense et cite, dans leur texte original (avec une excellente traduc­tion anglaise), les divers textes concernant les légendes élianiques, depuis l'époque hellénistique jusqu'au Moyen-Âge. Son but est, certes, différent de celui du présent article, mais, pour quiconque est intéressé par tout ce qui concerne ce prophète, il est indispensable. De plus, il est équipé d'une excellente bibliographie (voir sur­tout pp. 5-7).
  11. A. Levene, The Early Syrian Fathers on Genesis, London, 1951 ; T. Jansma, «Investigations into the early Syrian Fathers on Genesis. An approach to the exegesis of the Nestorian Church and to the comparison of Nestorian and Jewish exegesis», dans Oudtestamentische Studien XII, Leiden (1958), pp. 69-181.
  12. Il n'est malheureusement pas possible d'étayer ici par des exemples cette mienne certitude qui découle de ma fréquentation des sources et d’études personnelles. Disons, pour faire bref, que le vaste commentaire de l'A.T. d'Isho‘dad de Merw, par exemple, présente maints thèmes et détails légendaires fort consonants avec ce que l'on trouve, entre autres, dans la Leptogenèse, ou Livre des Jubilés (ce dernier étant nommément cité par Isho‘dad, voir Commentaire d'Isho‘dad de Merw sur l'Ancien Testament, CSCO 230/Syr. 97, Louvain 1963, Vol III, trad. pp. 121, 319), et avec les livres d'Hénoch et diverses Apocalypses apocryphes. Certes il n'est pas évident que ces parallèles soient le fruit d'une utilisation directe des matériaux pseudépigraphiques ou apocry­phes ; ils ont pu, en effet, être empruntés à certains passages des Pères de l'Église, ou à des compilations plus tardives ; reste qu'ils sont la preuve d'un intérêt fort vif et persistant pour ce genre de traditions. La chose demanderait une étude particulière.
  13. Rappelons qu'une tradition très forte du judaïsme primitif prévoyait, outre celle du Messie de David, la venue conjointe d'un grand prêtre. Cette tendance se reflète dans nombre d'écrits sectaires (Pseudépigraphes - Manuscrits du désert de Juda, etc.). Sur l'appartenance d'Élie à la tribu sacerdotale (déjà évoquée ici, citations 6-7), les témoignages sont formels. Ils émanent de sources juives (rabbini­ques et pseudépigraphiques), et on en trouve l'écho dans des écrits chrétiens. Pour les sources rabbiniques, voir A.S. Van der Woude, Die Messianischen Vorstellungen der Gemeinde von Qumran, Assen 1957, pp. 60-61, 228; et surtout H. Strack und P. Billerbeck, Kommentar zum neuen Testament aus Talmud und Midrash, pp. 462-465. Dans ces références, on évoque même l'identification Élie=Pinhas, ce dernier étant, lui aussi, évoqué comme figure sacerdotale et eschatologique (cf. Targum de Jéru­salem sur Ex 4,13 et Nb 25, 12). Côté chrétien, on trouve, chez le nestorien Isho‘dad de Merw (IXe s.) l'affirmation que Jean le Baptiste et Élie étaient prêtres (voir The Com­mentaries of Ishodad of Merw, Ed. and transl. by M.D. Gibson, Horae Semiticae, N° V, Vol. 1. Cambridge, 1911, sur Luc 1, 16, pp. 147-148).
  14. Il s'agit de l'Homélie 34, sans titre. Elle porte le numéro 19 dans le texte édité: Narsai doctoris homiliae et carmina, édit. A. Mingana, Mossoul, 1905, T. I. On fait allusion ici au passage qui s'étend de la p. 315, ligne 2, à la p. 317, ligne 15. Texte traduit en français par Ph. Gignoux, dans son étude intitulée "Les doctrines eschatologiques de Narsaï", O.S. 11 (1966), pp. 348-352.
  15. 3, 19, 20 et passim. J.M. Rosenstiehl, L'Apocalypse d'Élie, op. cit., p. 100 et passim.
  16. Extrait de l'Homélie 34 (Mingana, op. cit. I, p. 320, lignes 1 à 19). Gi­gnoux, «Les doctrines eschatologiques de Narsaï», op. cit., pp. 342-343. Noter que, selon Gignoux, Narsaï a composé cinq homélies spécialement consacrées à l'escha­tologie, dans lesquelles Élie tient, comme il se doit, une place importante. On en trouvera la liste détaillée avec références, dans l'article cité, pp. 322-323.
  17. Sur cette expression, voir, ci-après, note 160.
  18. Hom. 51 (inédite), fol. 139, ligne 17 à 141, ligne 14, voir Gignoux, art. cit., pp. 339-340.
  19. Art. cit., pp. 340-341.
  20. Éditée par Mingana, op. cit., 11, p. 4, ligne 6, à p. 5, ligne 3.
  21. Voir Victorin de Pettau (« rappeler les Juifs vers le peuple qui leur a succédé »), et Théodoret, cités plus haut.
  22. A noter que la Bible de Jérusalem traduit par « adeptes », supposant ainsi que Jésus fait allusion aux exorcismes rabbiniques - fréquents, il est vrai, et­ attestés, tant dans les sources rabbiniques que dans les chrétiennes.
  23. C'est, en fait, une tradition ancienne : on en trouve de fréquents échos dans l'Hellénisme, chez les Pères et, bien entendu, dans le judaïsme. Le disciple des Sages juifs est non seulement considéré comme un fils par son maître, mais sou­vent, ce dernier l'appelle ainsi : mon fils. Cf. Paul, 1 Cor. 4, 15 ; Philémon 10. D'ailleurs, c'est bien ainsi qu'Isho‘dad comprend la phrase de Malachie 3, 23, en commentant Mt 12, 27 : « Cette parole: 'Il ramènera le cœur des pères vers les fils' (signifie qu') il appelle pères ceux qui étaient antérieurs en matière de doctrine, et enfants ceux qui sont aux rangs de disciples, comme a dit notre Seigneur: 'Vos fils, par qui les chassent-ils' (les démons) ? C'est-à-dire les Apôtres » (The Commentaries of Isodad of Merw, op. cit., Vol. I, transl. I. p. 148).
  24. L'expression semble remonter à une ancienne exégèse, dont j'ignore l'origine. Elle est déjà présente chez Aphraate (16ème Démonstration) à propos des «peuples (gentils) qui remplacent le peuple» (les Juifs). On trouve deux autres exemples frappants de cet usage chez Isho‘dad : (a) Sur Amos 1, 1 (Commentaire d'Isho‘dad de Merw sur l'Ancien Testament, op. cit. Vol. IV, trad. p. 105). On nous dit que la prophétie avait été retirée à tous les prophètes sauf à Amos, auquel « il fut ordonné d'aller prophétiser à Béthel, du côté des peuples d'alentour. La raison: parce que, quand les peuples et le peuple virent que la prophétie était refusée, tous les deux se réjouirent etc. (…) C'est pour­quoi il fut ordonné à (Amos) de prophétiser au sujet du malheur (...) qui viendrait sur les peuples de la part du peuple et sur le peuple de la part des Assyriens, etc... ». (b) Il est dit de Jésus que, comme Jérémie, il était sanctifié depuis le sein de sa mère, et « enseignait le peuple et les peuples, en même temps ». (Sur Mt 16, 13,14. The Commentaries of Ishodad of Merw bishop of Hedddata, ed. M.D. Gibson, dans Horae Semiticae, Vol. I, trad. p. 65 ss.).
  25. 1 Rois 19, 10.
  26. Ibid.
  27. Le Père P. Ternant (1925-2007), avec lequel je me suis entretenu maintes fois de ces sujets, dans les années 1970, à la Maison des Pères Blancs de Jérusalem où il résidait, m’avait suggéré qu'on pourrait voir là une allusion à Is. 11, 4: « du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant » (cf. aussi 2 Th 2, 8). Le parallèle est, en effet, séduisant, mais le texte d'Isaïe concerne le Messie, et lui exclusivement. Le P. Ternant proposait aussi un parallèle avec Ep 6, 16-17: « Ayez toujours en main le bouclier de la foi, grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais ; enfin, recevez le casque du salut et le glaive de l'Esprit, c'est-à-dire la Parole de Dieu. » Et ceci me parait plus convaincant, surtout « le glaive de l'esprit », qui correspond fort bien à « l'arme spirituelle dont l'Esprit équipera l'homme charnel », selon Narsaï.
  28. Allusion possible à la mise à mort par Élie des soldats d'Achab, cf. 2 R 1, 10.
  29. Topographie chrétienne, Livre V, 140, Traduction W. Wolska, T. II, Sources chrétiennes 159, pp. 202-204. (L'influence de Narsaï sur Cosmas n'est pas à exclure).
  30. Commentaire d'Isho‘dad de Merw sur l'Ancien Testament, III, livre des Sessions, trad. C. Van den Eynde, in CSCO 230/Syr 97, p. 153. Je fais mienne la pertinente remarque du traducteur (Ibid. n. 8) : «Il se pourrait que la dernière raison dépende, directement ou indirectement, de l'Apocalypse d'Élie, apocryphe perdu qui racontait la lutte entre Élie et l'Antéchrist.»
  31. Voir référence plus haut, note 209.
  32. Commentaire d'lsho'dad de Merw sur l'A,T., vol. II, Trad. p. 168.
  33. Ibid., III, Trad. p. 138.
  34. En syriaque, tawtaba, que l'on peut traduire: colon, résident, pèlerin (en, hébreu 'toshav'), c'est-à-dire le contraire de l'autochtone. Cette précision d'Isho‘dad nous aide ainsi à comprendre l'étrangeté du qualificatif par lequel Narsaï s'obstine, le plus souvent, à nommer l'Élie eschatologique : « le fils des résidents » (et non « le fils des étrangers » comme traduit Gignoux, art. cité p. 338). Cette appellation figure aussi chez Jacques de Sarug, Homél. 56, 10: « Elia Bar Tawtave » (cf. Payne Smith, col. 1647). Gignoux (Ibid. n. 59) précise que cette appellation est tirée de 1 Rois 17, 1, mais ne découvre pas la fine pointe de l'expression. Il me semble que tant Narsaï que J. de Sarug, jouent tous deux sur le sens du mot et son emploi exprès par Malachie dans sa prophétie selon la version des Septante: « Voici que je vous envoie Élie le Tishbite ». Il semble que, par cette mention expresse du titre Tishbite (avec, peut-être, un jeu sur les mots: « de Tishbé » ou « résident »), les commentateurs qui suivaient la Septante (c'est le cas de Théodore de Mopsueste cité par Isho‘dad, d'Isho‘dad lui-même, et de J. de Sarug, cités plus haut) respectaient à la fois la lettre du texte sacré et l’étymologie du mot, en insistant sur le sacerdoce d'Élie. (Cf. Isho‘dad, Commentaire de l'A.T., t. III, Trad. p. 49, où, pour prouver que Samuel, évoqué comme étant «de la Montagne d'Éphraïm», était prêtre, on explique: «Cela ne veut pas dire qu'il était de la tribu d'Éphraïm, mais c'est là, veut-on dire, que le sort l’avait assigné pour exercer le ministère sacerdotal (...) C'est analogue à : Élie des Colons de Tasbi»).
  35. Commentaire d'Isho‘dad de Merw sur l'A.T., Op. cit., T. IV, Trad. pp. 179-180.
  36. Commentaries of lshodad of Merw…, op. cit., Vol. V, part II, transl. p. 17.
  37. Voir mon étude : L’homme à l’école de Dieu D’Antioche à Nisibe : Profil herméneutique, théologique et kérygmatique du mouvement scoliaste nestorien - Monographie programmatique.
  38. Voir ci-dessus, note 121.. 

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Cette oeuvre (Salut universel et particularisme d'Israël. Le rôle médiateur du Judaïsme Messianique de Menahem R. Macina) n’a aucune restriction de droit d’auteur connue.

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